NOS PERSPECTIVES POLITIQUES – Archives Révolutionnaires

« Les archives ne sont qu’un prolongement de la politique par d’autres moyens. »

Le collectif Archives Révolutionnaires a été créé à Montréal au printemps 2017 avec l’objectif de revisiter le passé militant pour informer les luttes actuelles. Notre choix de traiter les luttes révolutionnaires est partisan et vise à renforcer le mouvement révolutionnaire actuel grâce aux apports des générations qui nous précèdent. Notre attention se focalise d’abord sur l’histoire du Québec, le lieu où nous luttons. Le projet se déploie selon trois axes : la mission archivistique, la réflexion historique et l’arrimage avec les luttes actuelles. Au-delà du choix de notre objet de recherche, nous menons notre travail archivistique et historique avec le plus de rigueur et d’objectivité possible, selon les normes disciplinaires actuelles. Nous transmettons ensuite nos résultats aux mouvements contemporains afin d’animer une réflexion critique avec nos camarades, permettant de voir quels usages peuvent être faits de nos découvertes.

Notre travail s’inscrit dans une perspective non dogmatique : nous collectons, préservons et analysons la totalité des documents produits par les mouvements révolutionnaires, d’extrême-gauche et de gauche au Québec depuis l’Âge des Révolutions (vers 1775-1840) jusqu’à nos jours. Nous privilégions les archives liées aux mouvements communistes, socialistes et anarchistes, car elles sont généralement sous-étudiées par les grandes institutions alors même qu’elles offrent de nombreuses leçons pour les révolutionnaires aujourd’hui. Notre travail d’analyse historique se fait dans une perspective matérialiste, inspirée par Karl Marx, avec les apports de la méthode contextualiste développée par Quentin Skinner, qui cherche à comprendre un discours ou une pratique dans son contexte, sans y projeter nos propres valeurs. Par ailleurs, nous désirons informer l’ensemble des mouvements actuels se réclamant de la pensée révolutionnaire et de gauche. Nous visons à développer la réflexion commune afin d’ouvrir un horizon stratégique à même de renverser le système capitaliste et d’instaurer une société gérée par et pour le peuple, dans le respect de la dignité de toutes et de tous.

Lyubov Popova (1889-1924). Wikicommons.

Malgré notre volonté d’objectivité quant à notre travail archivistique et historique, il nous faut reconnaître certaines influences politiques. Notre travail et les membres de notre collectif adoptent une perspective marxiste entendue au sens large, matérialiste, anti-capitaliste et visant l’établissement d’une société sans classe. Nous sommes sensibles aux apports de divers théoriciens de la tradition marxiste (Vladimir Ilitch Lénine, Antonio Gramsci, Nikos Poulantzas, Georges Labica, etc.) ainsi qu’à de nombreux autres courants révolutionnaires, dont les conseils ouvriers, le syndicalisme révolutionnaire, la gauche maoïste, l’opéraïsme ou encore l’Autonomie italienne. La pensée anti-impérialiste demeure fondamentale pour nous dans la lutte contre le capitalisme et pour la libération des peuples, qu’elle soit communiste (Ho Chi-Minh, Fidel Castro, Black Panther Party) ou libertaire (PYD au Rojava, mouvement zapatiste).

De manière plus située, nous nous intéressons aux différents partis communistes canadiens et québécois, aux mouvements ouvriers et populaires, comme la One Big Union (OBU), aux grandes grèves des années 1930-1950, à la période socialiste des centrales syndicales québécoises, aux expériences des Comités d’action politique (CAP) ou encore aux luttes de solidarité internationale. Une conjoncture importante dans nos recherches et comme inspiration reste le mouvement ouvrier et populaire multiforme des années 1970 au Québec, avec ses groupes militants de base et ses nombreuses publications, mais aussi sa volonté stratégique d’établir un véritable mouvement révolutionnaire uni, en mesure de rompre avec le système de classe et d’instaurer un socialisme original.

Nous considérons que le capitalisme est actuellement le système le plus structurant et qu’il est responsable de la majorité des inégalités, oppressions et violences subies par les peuples du monde entier. Cela dit, nous restons sensibles aux jonctions entre oppressions de classe, de race et de sexe. Dans la continuité des pensées de Claudia Jones, d’Angela Davis ou de Québécoises Deboutte !, nous tentons de saisir la complexité des rapports sociaux de domination pour trouver des moyens de les dépasser. Nous accordons aussi une large place dans nos recherches archivistiques et historiques aux groupes ayant subi un faisceau d’oppressions interreliées, en privilégiant les expériences révolutionnaires à même d’enrichir les luttes contemporaines.

En raison du conflit idéologique qui se joue entre les tenants du libéralisme-capitalisme et les militant-e-s révolutionnaires, nous faisons usage de différents corpus sociologiques et « culturels » à même de nous outiller. Nous nous inspirons de la pensée d’Antonio Gramsci pour comprendre la guerre de positions qui se joue actuellement, et pour travailler à la construction d’une contre-hégémonie. Ainsi, notre travail se veut un apport, par l’entremise de l’histoire, à la (re)construction d’une conscience de classe devant supporter une action révolutionnaire à venir. Nous croyons que la pensée gramscienne permet de figurer une organisation révolutionnaire pertinente grâce à l’arrimage qu’elle propose entre le travail intellectuel et le travail militant. La pensée de Pierre Bourdieu nous sert aussi pour comprendre le fonctionnement des structures sociales actuelles et la manière dont il est possible de les saper. Enfin, nous nous appuyons sur différentes revues québécoises, notamment Chroniques (1975-1978), qui ont tenté dans les années 1970 de comprendre le rôle de la culture dans la domination bourgeoise.

Au regard de la crise climatique provoquée par le capitalisme, nous sommes sensibles à la pensée écologiste radicale des cinquante dernières années. Nous nous inspirons d’André Gorz, de l’écomarxisme et de la pensée critique de la technologie. Pourtant, notre critique de la technologie n’est pas un rejet de la technique : nous critiquons la manière dont certaines techniques et technologies ont été mises en forme par le capitalisme, les rendant ainsi aliénantes pour les travailleuses et les travailleurs. Dans la mesure où une technologie n’est ni destructrice pour la nature ni aliénante pour les humains, et qu’elle procure un meilleur niveau de vie, nous y sommes favorables. Notre pensée politique globale répond d’ailleurs à cet impératif : la création d’un monde écologiquement viable, à même de supporter une société non aliénante.

Nous souhaitons le développement d’une société réellement démocratique, gérée par et pour le peuple à tous les niveaux. Nous voulons que les enjeux relatifs à une rue soient pris en charge par les habitant-e-s concerné-e-s, et que toutes et tous puissent participer aux décisions globales affectant leur province ou leur pays. Une telle démocratie ne s’oppose pas à une certaine représentativité, accompagnée de la redevabilité et de la révocabilité. Cette société doit garantir une égalité réelle entre toutes et tous, économiquement, politiquement et en dignité. L’ensemble des personnes égales pourra gérer la production socialisée et les structures politiques afin que toutes et tous jouissent d’un niveau de vie acceptable. Enfin, un travail et des activités épanouissantes devront être fournis à chaque personne, dans un cadre écologique.

De manière générale, nous essayons d’articuler une pensée scientifique dans nos travaux avec une sensibilité pour les traditions nommées qui peuvent selon nous inspirer les mouvements actuels et les aider à gagner en puissance puis à triompher. Nous devons prendre au sérieux notre passé, grâce à une pratique matérialiste rigoureuse, afin de nous (re)constituer en tant que force révolutionnaire pour atteindre l’émancipation. Ce travail, nous souhaitons le partager avec celles et ceux qui mènent des luttes anti-impérialistes, décoloniales, anti-capitalistes et écologiques, ainsi qu’avec la jeunesse militante et les mouvements ouvriers, populaires et syndicaux. Ensemble, nous sommes la révolution en marche.

Lyubov Popova (1889-1924). Wikicommons.

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :
search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close