L’historienne Katlheen Durocher nous a fait parvenir un texte sur la tradition syndicale des allumétières de Hull. Durocher cherche à faire « sortir les allumettières de l’ombre », comme l’indique le titre de son dernier ouvrage sur le sujet. En tant qu’elles incarnaient la double condition de femmes et d’ouvrières, les allumettières ont subi une exploitation accrue du patronat anglophone, fait l’expérience d’une représentation syndicale masculine incompétente et paternaliste, en plus d’avoir été marginalisées par l’histoire du mouvement ouvrier québécois. Ce texte entend contribuer à renverser cet ordre des choses, à replacer l’histoire des allumettières comme un épisode central de la mémoire ouvrière québécoise.

Les allumettières de la E. B. Eddy et l’Union des faiseuses d’allumettes (1918-1928)
Kathleen Durocher
Pendant plus d’un siècle et demi, entre le début des années 1800 et 1960, le travail en Outaouais est rythmé par les hauts et les bas de l’exploitation forestière, une industrie qui fait la fortune des barons du bois et des industriels qui s’installent dans la région. La coupe du bois, son transport et sa transformation offrent un grand nombre d’emplois physiquement exigeants et dangereux. Alors que les camps de bûcherons et la drave attirent les hommes, les petits centres industriels qui se développent sont progressivement habités par des familles. Vers le tournant du siècle, plusieurs jeunes femmes célibataires arrivant des campagnes s’y établissent, particulièrement à Hull. Souvent oubliées, les femmes sont nombreuses à être employées dans l’industrie forestière, même si elles sont limitées à quelques départements considérés comme moins dangereux et propres à une main-d’œuvre féminine. Notamment, l’une des plus anciennes fabriques du cœur industriel de la région, l’île de Hull (faisant aujourd’hui partie de la ville de Gatineau), prospère grâce à une main-d’œuvre principalement féminine. La E. B. Eddy Match Company fait la renommée de la petite ville industrielle entre les années 1860 et 1920 puisqu’environ 90 % des allumettes canadiennes y sont produites. Exténuant, réplétif et sous-payé, le travail d’allumettière offre une rare opportunité de travail en industrie pour les femmes de la région jusqu’au début du XXe siècle[1].
Pendant longtemps, l’histoire du travail en Outaouais fut écrite au masculin[2], l’expérience des femmes et des filles de la fabrique d’allumettes restant longtemps invisibilisée. Effacée des mémoires collectives, leur histoire refait progressivement surface. Dès les années 1980, leurs grèves de 1919 et 1924 s’inscrivent peu à peu dans l’histoire du syndicalisme national au Québec puis, depuis la fin des années 1990, dans l’histoire de Hull/Gatineau et de l’Outaouais[3].

Ce texte s’intéresse à leur expérience militante et tente d’expliquer ce qui a mené les allumettières de la E.B. Eddy de Hull à fonder une association féminine affiliée au mouvement syndical national confessionnel (1918-1928). Pour ce faire, nous présentons un survol de la présence syndicale à Hull au XIXe siècle pour ensuite aborder plus en détail le cas des travailleuses de la fabrique d’allumettes. Après avoir spécifié en quoi consiste leur travail et quelles personnes sont employées, nous proposons une description de leur syndicalisation. De même, une réflexion sera faite sur les possibilités qu’offre cette organisation et les barrières auxquelles ses membres sont confrontés, particulièrement lors de leurs grèves menées en 1919 et en 1924.
La syndicalisation au pied des Chaudières
De prime abord, rappelons que l’industrialisation de la petite colonie agraire de Wright’s Town (1800), devenue Hull, s’entame réellement dans les années 1860 et 1870 grâce à l’exploitation forestière. Alors que différents moulins et fabriques sont implantés à proximité de la rivière des Outaouais, les terrains entourant la chute des Chaudières, située sur la frontière entre l’Ontario et le Québec, s’avèrent un lieu de choix pour l’activité industrielle grâce à son potentiel hydraulique. Le village de Hull, voisine de la capitale canadienne, connaît une croissance économique et démographique rapide jusqu’à la fin du siècle[4]. Comme dans le reste du Canada, l’industrie forestière est le fer de lance du développement du capitalisme industriel à Hull et dans l’Outaouais. Alors que le recensement canadien de 1871 indique que seulement 3 800 personnes y résident, la population double en dix ans (6 890 en 1881). La croissance se poursuit dans les décennies qui suivent. La population franchit les 10 000 avant 1890 et atteindra 20 000 dans les années 1910[5].
Le marchand d’allumettes américain, Ezra Butler Eddy, s’installe à Hull en 1851. Tirant rapidement profit du potentiel des Chaudières, le fondateur et propriétaire de la E.B. Eddy Co règne sur la ville de Hull jusqu’à sa mort en 1906[6]. Bien que d’autres entreprises s’y implantent, la E. B. Eddy Company demeure la plus puissante non seulement dans la ville, mais aussi dans l’Outaouais. Son fondateur conserve à la fois une main mise sur l’économie et sur la vie politique locale[7]. Notamment, il devient échevin (1878 à 1888) et maire de Hull (1881 à 1884, 1887 et 1891), période de croissance industrielle importante pour sa compagnie et la cité.

Vers la fin du XIXe siècle, les ouvriers employés dans ses moulins et fabriques essaient de s’organiser et militer pour obtenir de meilleurs salaires, en plus de conditions de travail moins pénibles et dangereuses. Or, Ezra Butler Eddy est un industriel bien connu pour son antisyndicalisme. Les luttes entreprises par les ouvriers syndiqués par les Chevaliers du travail à la fin des années 1880 et dans la décennie suivante sont déjouées à tout coup par la compagnie[8]. La grande grève entreprise en 1891 est violemment supprimée grâce à la police et l’armée. Quelques années plus tard, en 1904, une grève majeure est déclenchée par les ouvrier·ère·s des papetières affilié·e·s à l’International Brotherhood of Papermakers[9]. Comme ce fut le cas dans les quelques rares conflits ouvriers du passé, la Eddy n’hésite pas à briser la grève. Cela dit, la compagnie laisse entendre aux suites de cette grève qu’elle serait prête à tolérer les syndicats nationaux, moins revendicateurs et beaucoup plus conciliants avec le patronat[10]. Ceux-ci n’étant pas encore réellement implantés dans la cité industrielle, seules quelques petites associations professionnelles subsistent réellement à Hull[11]. Durant ces brèves expériences militantes, les travailleuses employées aux Chaudières sont largement exclues des organisations ouvrières et des luttes. Ignorées par les Chevaliers du travail, seules quelques ouvrières irlandaises œuvrant dans les papetières ont activement participé au conflit de 1904[12].
Le cas des allumettières
Entre 1854 et 1928, la fabrique d’allumettes E. B. Eddy, située au coin de l’actuelle rue Laurier et Eddy, offre entre 100 et 300 emplois rémunérés. Alors que la coupe de bois en bâtonnets, la préparation de la mixture chimique inflammable, le trempage et le séchage sont la prérogative d’hommes et de garçons, les femmes et les filles s’affairent plutôt à empaqueter les allumettes. Quotidiennement, des milliers d’allumettes sont apportées à leurs postes de travail, dans les premières années sur des chariots poussés par des travailleurs et, dès les années 1870, par un système mécanisé plus rapide[13]. L’employée, à sa table de travail, doit alors prendre une poignée d’allumettes, l’insérer dans la boîte, refermer celle-ci, puis la déposer pour qu’elle soit transportée vers l’entrepôt[14]. La même opération est répétée toute la journée, entre 10 et 12 heures quotidiennement. Dans ces départements où le bruit de la machinerie est incessant, le tout doit se faire dans le silence, sous peine d’amande.
La mise en boîte est exclusivement faite par des femmes et des filles. Elles sont gardées hors des autres étapes de la production, ces dernières étant considérées comme physiquement trop difficiles ou trop dangereuses pour elles. De plus, l’empaquetage demande de la dextérité. L’ouvrière doit être rapide, minutieuse, prudente et attentive, des qualités que l’on disait « naturelles » pour les femmes. Pour l’employeur, ce travail d’empaqueteuse n’exige ainsi aucune qualification particulière, seulement un peu de pratique. Un article publié en 1919 par la E.B. Eddy dans le Canadian Grocer affirme à ce sujet : « Feminine fingers are very quick and sure, and constant practice makes their nimbleness almost unbelievable. »[15] Dans les faits, la compagnie s’assure d’embaucher des femmes et des enfants puisqu’elle peut leur offrir un salaire considérablement plus bas que celui des hommes. Par exemple, selon le recensement canadien de 1911, les allumettières gagnent en moyenne environ 225 $ par année. Le salaire annuel des allumettiers pour la même année est d’environ 550 $[16].
Le travail est supervisé par des contremaîtresses, souvent une ouvrière un peu plus âgée, ayant œuvré pendant plusieurs années à la fabrique. De ce fait, les départements d’empaquetage s’avèrent des espaces exclusivement féminins. Il faut préciser que la vaste majorité des allumettières sont des adolescentes, la plupart âgées de 14 à 17 ans[17]. Le devoir moral des contremaîtresses est généralement approuvé par les familles des travailleuses, ces femmes plus âgées assumant le rôle d’une sœur aînée ou même d’une mère. Elles s’assurent ainsi d’éviter les contacts entre les jeunes ouvrières et les hommes[18]. Cette supervision est également faite par les membres de la famille présents à l’usine. Souvent, les plus jeunes sont accompagnées d’une parente à la fabrique, la plupart du temps une sœur[19]. C’est ce lien de parenté qui assure non seulement la formation des nouvelles employées, mais qui permet aussi leur embauche à l’usine[20]. Habituellement, les travailleuses suggèrent un membre de leur famille aux contremaîtresses, les patrons leur octroyant cette responsabilité. Sans surprise, on observe de nombreux liens familiaux qui unissent la main-d’œuvre, rendant celle-ci relativement homogène. À l’exception de quelques rares femmes irlandaises, les allumettières sont originaires du Canada, francophones et catholiques. Cette forte présence canadienne-française n’est pas surprenante, ce groupe formant la vaste majorité de la population hulloise de l’époque. Les allumettières sont pour la plupart voisines, résidant dans les quartiers populaires de l’île de Hull, à proximité de l’usine. Entassées dans les « maisons allumettes » surpeuplées, elles fréquentent aussi les mêmes lieux publics et commerces lorsqu’elles ne sont pas à la fabrique[21].

L’Union des faiseuses d’allumettes
Considéré comme non qualifié par l’employeur, leur travail d’empaqueteuse est mal rémunéré. De surcroît, puisqu’elles sont payées à la pièce, elles doivent s’assurer d’emboîter assez d’allumettes pour obtenir un gage suffisant pour contribuer à la survie familiale[22]. Généralement perçu comme un salaire d’appoint par le patronat, le salaire des femmes et des enfants employés à la Eddy est, dans les faits, souvent essentiel aux familles[23]. À l’exception de quelques veuves, la majorité des allumettières sont célibataires et résident chez leurs parents. Pour ces familles, envoyer les enfants au travail, particulièrement les filles et les plus jeunes, est une nécessité. Malgré l’idéal du père pourvoyeur, présent autant chez les classes populaires que bourgeoises, la paie des hommes employés par la E.B. Eddy suffit rarement pour subvenir aux besoins de leurs familles nombreuses, surtout dans les périodes de ralentissement industriel[24]. Lorsque le père est sans emploi ou, plus encore, lorsqu’il est absent ou décédé, le travail des ouvrières devient central à la survie familiale. Mais les salaires d’allumettières sont maigres et la compagnie n’hésite pas à diminuer le montant octroyé par paquet de boîtes d’allumettes. Les employées doivent donc s’assurer de maintenir un rythme constant pour éviter de voir la production s’accélérer et leur gage réduit, nécessitant à la fois une bonne coopération et l’appui des contremaîtresses.
En plus d’être mal payées et de s’affairer à une occupation aliénante, les allumettières sont confrontées à plusieurs dangers. Les brûlures et les incendies sont fréquents, la fumée et la poussière envahissent quotidiennement l’espace de travail. De plus, le phosphore blanc (ou jaune) est en usage à la Eddy des années 1850 jusqu’en 1915[25]. Ce poison violent peut causer de nombreux problèmes de santé aux ouvrières, allant de l’intoxication à la nécrose maxillaire. Pour plusieurs d’entre elles, leur santé en est considérablement affectée et, dans quelques rares cas, certaines en décèdent. Les conditions difficiles sont largement maintenues alors que les ouvrières sont exclues du mouvement syndical hullois. Seul un arrêt de travail spontané en 1883 apparaît dans les journaux. Le Montreal Daily Witness affirme au sujet de l’évènement : « The proposed reduction of wages raised a miniature rebellion Tuesday among the girls working in Eddy’s match factory. A number of them struck work and might be seen on the streets in groups engaged in an animated discussion of the situation. »[26] Malheureusement pour les allumettières, elles doivent retourner au travail le lendemain, menacées d’être mises à pied si elles en faisaient autrement. Il faut dire que le peu d’emplois industriels offert aux femmes à Hull crée un bassin important de main-d’œuvre pour la Eddy[27]. Les ouvrières s’en trouvent facilement remplaçables et, donc, dépourvues d’une réelle capacité de négociation sans organisation syndicale.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Canada connaît une effervescence du militantisme ouvrier face à leurs conditions matérielles précaires[29]. L’activisme syndical s’intensifie rapidement et se radicalise. Certains syndicats nationaux se confessionnalisent, suivant les principes de la doctrine sociale de l’Église. Les organisations catholiques prennent timidement racine au Québec, appuyées par certaines franges moins conservatrices (à cet égard) du clergé catholique. À Hull, l’Association ouvrière de Hull (A.O.H.) apparaît en 1915, chapeautée par les Oblats de Marie-Immaculée (O.M.I.). Selon ces derniers, les adhésions demeurent limitées, la main-d’œuvre préférant les « unions internationales » américaines implantées à Ottawa[30].
En 1918, à la demande d’ouvrières de Hull, une branche féminine de l’A.O.H est constituée avec l’approbation des O.M.I. Ainsi naît l’Association ouvrière catholique féminine de Hull (A.O.C.F.) qui regroupe rapidement plus de 300 femmes et jeunes filles, principalement des allumettières de la E.B. Eddy. Une d’entre elles, Georgiana Cabana, devient la première présidente de l’association et le demeure tout au long des années 1920[31]. Alors que l’exécutif de A.O.C.F. est composé de femmes, celui-ci reste néanmoins sous une supervision masculine. La présidence de l’A.O.H. et les O.M.I. s’assurent que les décisions prises par ces femmes conviennent aux visées de l’association hulloise et à la doctrine sociale de l’Église catholique. Il faut dire que selon cette dernière, le but des « œuvres sociales féminines » doit avant tout être la protection des femmes et des filles[32]. Cette protection ne peut qu’être assurée par des hommes, laïques et religieux. Plus encore, l’association est encadrée par certaines femmes issues de la bourgeoisie canadienne-française de Hull impliquées dans les œuvres sociales catholiques, s’octroyant le titre de « marraine du syndicat ».
Malgré les limites imposées par l’idéologie de l’organisation et de ceux et celles qui la chapeautent, l’association féminine croît de manière importante dans les mois qui suivent sa fondation. Entre 300 et 400 ouvrières en seraient membres, dont bon nombre d’allumettières[33]. Face à cet engouement, l’association doit se scinder en syndicats de métier. L’union des faiseuses d’allumettes, comme elle était appelée à l’époque, voit le jour. Nous pouvons penser que les ouvrières canadiennes-françaises de Hull sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à adhérer au syndicalisme catholique puisqu’il s’agit réellement de la seule option d’organisation pour elles, les syndicats internationaux anglophones établis à Ottawa ne semblant pas avoir tenté de les recruter. Il faut dire que le clergé de Hull joue un rôle non négligeable par son influence, dissuadant la main-d’œuvre de se joindre à ces syndicats neutres et mixtes, perçus comme révolutionnaires. Les allumettières ont peut-être également craint ne pas avoir de capacité décisionnelle dans ces vastes organisations. La barrière linguistique peut également être mise en cause[34]. À l’inverse, elles peuvent voir en l’A.O.C.F. l’opportunité d’exprimer leurs insatisfactions face à leurs conditions de travail sans être invisibilisées par les hommes. Plus encore, dans le cas du syndicat des allumettières, l’exécutif est entièrement formé de contremaîtresses. Les ouvrières ayant déjà l’habitude de s’adresser à elles à la fabrique, nous pouvons ainsi penser qu’un certain rapport de confiance existe déjà entre les membres et l’exécutif. Dès 1919, l’A.O.C.F. et l’union des faiseuses d’allumettes organisent de nombreuses activités et tiennent fréquemment des rencontres. En plus d’assurer une représentation syndicale, l’association propose des cours du soir qui deviennent rapidement populaires. Leur visée n’est toutefois pas d’offrir une instruction technique, mais plutôt de préparer les syndiquées à leur futur rôle de mère et de femme au foyer grâce à des cours d’art ménager, de français et d’anglais[35]. Pour l’organisation, la pertinence de ces cours va de soi, puisque l’objectif est de former les travailleuses pour leur réelle vocation. Dans les faits, il est vrai que la vaste majorité des allumettières ne passent que quelques mois ou quelques années à l’emploi avant de quitter la fabrique pour fonder une famille. Pour les filles et les femmes, ces cours offrent également un nouvel espace pour socialiser entre elles à l’extérieur de la fabrique et de la maison familiale.

1919
Durant sa première année d’existence, le syndicat des allumettières de Hull, comme le reste de l’A.O.C.F., est toléré par la E. B. Eddy. L’organisation demeure assez peu revendicatrice et assure plutôt des services aux travailleuses. Or, la situation change en décembre 1919 quand la compagnie décide d’apporter des modifications aux horaires de travail des femmes et à la structure des équipes de travail, les obligeant à travailler davantage et quitter la fabrique plus tard dans la soirée[36]. L’exécutif syndical, appuyé par les ouvrières, s’oppose à la décision. Des négociations sont entamées avec le patronat. Toutefois, la délégation représentant les allumettières — composées uniquement d’hommes de l’AOH et l’aumônier responsable — ne s’entend pas sur la raison et la nécessité de poursuivre de telles négociations[37]. Profitant de cette division interne, la E. B. Eddy se retire et, par le fait même, remet en question la légitimité de l’organisation. Plus encore, elle décide de fermer les portes de la fabrique, déclenchant un lock-out. En réponse au lock-out décrété par leur patron, les travailleuses décident d’entamer une première grève. Or, le syndicat insiste pour la qualifier de « contre-grève », affirmant qu’il ne fait que répondre au geste de la compagnie[38]. L’organisation s’assure ainsi de présenter les allumettières comme des victimes de la mauvaise foi du patronat. Malgré tout, ces évènements offrent une première occasion pour les allumettières de militer activement, participant à un piquet de grève devant la fabrique. Possiblement prise au dépourvu et confrontée à une opinion publique en faveur des ouvrières, la compagnie accepte de retourner à la table de négociation[39].
Le conflit se conclut au bout de trois jours avec une entente signée par le patronat et l’A.O.H. Bien que les horaires de travail soient changés, les travailleuses obtiennent une compensation salariale substantielle[40]. Ce qui est vu comme une victoire fait écho. Pour la première fois, une organisation syndicale fait (partiellement) plier le plus grand employeur de Hull. Plus encore, la grève des allumettières devient le premier exemple de réussite d’une organisation ouvrière catholique féminine au Québec[41]. Dans les trois années qui suivent le conflit, l’Union des faiseuses d’allumettes enregistre certains gains importants, dont l’amélioration des salaires, la réduction des heures de travail et la reconnaissance de certains jours fériés. Ses activités se multiplient et la participation des membres est décrite comme exemplaire[42]. Notons toutefois que nous en connaissons peu à ce sujet, les archives des associations féminines n’ayant pas été préservées. En l’absence de documents produits par des ouvrières ou leur organisation, il faut garder à l’esprit que la présentation des faits et la représentation des syndiquées sont toujours le produit de regards masculins, aussi bien laïques que religieux[43]. L’activisme des femmes intéressant peu les hommes de l’A.O.H. et les O.M.I., nous trouvons peu de références à leur militantisme ou aux activités quotidiennes de l’A.O.C.F. et de ses syndicats.
Malgré le silence des allumettières dans les sources, nous pouvons croire qu’elles se font plus militantes après leur victoire de 1919. Par exemple, lors du congrès de fondation de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada de 1921, à Hull, certaines d’entre elles, ainsi que d’autres femmes de l’A.O.C.F. participent activement aux délibérations bien que seulement des hommes aient été invités[44]. Il faut dire que l’évènement a lieu à l’endroit même où elles tiennent leurs rencontres : la Bourse du travail.
Bien que le tout se passe sous le regard de l’A.O.H., des O.M.I. et des marraines de l’organisation, c’est à la Bourse du travail qu’elles détiennent un droit de s’exprimer qu’elles n’ont probablement pas ailleurs. Les discussions ne sont pas permises sur le lieu de travail et les allumettières n’ont pas la chance d’échanger longuement à la fin de la journée lorsqu’elles doivent retourner chez elles et aider aux corvées domestiques. À la Bourse, elles peuvent commenter leurs conditions de travail, leurs salaires et, plus largement, leurs conditions matérielles. Ainsi, les allumettières y trouvent une certaine agentivité, malgré les nombreuses restrictions de l’idéologie catholique.

1924
Au printemps 1924, des tensions considérables se font sentir entre la E. B. Eddy, le conseil de ville et la population de Hull. La compagnie refuse de payer les taxes municipales, proteste en mettant à pied 300 employés et menaçant de quitter la ville. Un sentiment de frustration et de colère à l’égard de la compagnie est exprimé dans les journaux[45]. En bref, cette compagnie qui accaparait les ressources naturelles de la ville, les meilleurs terrains et qui exploitait plusieurs milliers d’hommes, de femmes et d’enfants depuis des décennies s’abstient toujours de contribuer à l’amélioration de leurs conditions autrement qu’en offrant des salaires insuffisants. Les infrastructures municipales, les services et les œuvres sous contrôle de l’Église catholique étaient boudés alors que le patronat préférait financer les organisations protestantes d’Ottawa.
À la E. B. Eddy, et particulièrement à la fabrique d’allumettes, l’année 1924 apporte un déclin dans les ventes et une augmentation des coûts de production[46]. Craignant une baisse de ses revenus, la compagnie choisit de diminuer drastiquement les salaires de ses employé·e·s : une coupure de 40 % est annoncée[47]. Confrontées à la possibilité de voir presque la moitié de leur gage disparaître, les allumettières se mobilisent à l’aide de leur syndicat. Des négociations sont entamées avec les patrons. Un changement important est à noter par rapport à décembre 1919 : cette fois-ci, ce ne sont pas que des hommes qui y participent. En plus de l’aumônier Bonhomme, des représentants de la compagnie, l’ancienne allumettière Georgiana Cabana, toujours en présidence de l’A.O.C.F., Ernestine Pitre, présidente de l’Union des faiseuses d’allumettes, et Donalda Charron, porte-parole des employées, s’y trouvent[48].

D’emblée, les négociations sont difficiles et la compagnie fait preuve de mauvaise foi. Le 6 septembre, cette dernière ferme les portes de la fabrique pour une période indéterminée, sous prétexte que des réparations nécessaires doivent être entreprises. Or, l’arrêt de travail perdure. Rapidement, comme elle l’avait fait en 1919, la E. B. Eddy décide de remettre en question la légitimité de l’organisation ouvrière. En catimini, elle propose aux employées de retrouver leur travail à condition qu’elle signe une entente promettant de ne pas « parler en faveur de l’union »[49]. Dans les faits, elle leur demande plus ou moins directement de rejeter leur syndicat. Refusant cette demande et confrontées à ce qui s’avère un nouveau lock-out, les quelque 200 allumettières se lancent dans une « contre-grève » et entreprennent un piquetage quotidien devant la fabrique.
Dans les journaux, particulièrement dans Le Droit, journal francophone de la région, l’enjeu du conflit n’est plus la question salariale, mais bien la reconnaissance syndicale, traçant un parallèle clair avec 1919. Il faut dire qu’à cette occasion, les travailleuses avaient obtenu une entente avec la compagnie affirmant que celle-ci ne renierait plus l’organisation ouvrière catholique. À l’automne 1924, la Eddy renvoie les membres de l’exécutif féminin afin de s’assurer que sa légitimité peut être remise en question. La compagnie annonce du même coup que toutes les contremaîtresses tentant de joindre l’organisation syndicale seraient renvoyées sans être remplacées. Les ouvrières devraient traiter directement avec les surintendants[50]. Dès ce moment, en plus d’une lutte pour la reconnaissance syndicale, la grève des allumettières devient une cause morale pour les observateurs qui leur sont favorables. Le Droit couvre cette « noble cause » quotidiennement, soutenant que « toute la population est derrière les contre-grévistes »[51]. En effet, il est fort possible que de nombreuses personnes les appuient, notamment en raison de l’animosité envers l’employeur qui plane depuis le printemps. Plusieurs familles dépendent directement du salaire des travailleuses. La baisse des gages annoncée au début septembre ainsi que sa suspension complète avec le lock-out rendent difficile la survie familiale, surtout durant les mois froids d’automne et d’hiver qui approche. Plus encore, la question du renvoi des contremaîtresses peut également être source de colère et d’inquiétudes face à la sécurité des jeunes travailleuses à la fabrique.
Ainsi, un conflit parfait semble se dessiner, mettant en scène un riche patronat anglophone, protestant, refusant d’investir pour améliorer le bien-être des jeunes travailleuses canadiennes-françaises, de leurs familles et de leur communauté, mettant en danger la moralité des jeunes allumettières. Contre lui se dresse une population à grande majorité canadienne-française, appartenant aux classes populaires, qui peut s’identifier aux allumettières en lutte. Chez leurs collègues masculins syndiqués, le mot d’ordre est de ne pas franchir le piquet de grève. Solidaires à la cause du syndicat féminin, certains hommes leur prêtent main-forte pour s’assurer que personne n’entre dans la fabrique[52]. Nous pouvons penser que ce sentiment, ainsi que le fort taux de participation à l’effort syndical chez les travailleuses, peut s’expliquer par les nombreux liens de parenté et de voisinage qui unissent déjà la main-d’œuvre. Un esprit de coopération est ainsi déjà bien présent et accentué par la crise.
Selon Le Droit, la conduite sur la ligne de piquetage est exemplaire. Les jeunes grévistes sont assidues, disciplinées et pacifistes comme le souhaitent les défenseurs du syndicalisme catholique. Dans la presse anglophone d’Ottawa, les actions des ouvrières et de leur organisation sont vivement critiquées et on n’hésite pas à faire ressortir les quelques actes de violence commis à l’égard des surintendants et des briseur·euse·s de grève. Par exemple, le titre « Superintendent and male employes molested at work » fait la une du Ottawa Citizen le 20 octobre[53]. Sans surprise, ces évènements sont largement ignorés par le Droit qui s’assure de véhiculer l’image de victime attribuée aux grévistes[54]. Soulignons qu’aussi bien dans les journaux qui leur sont favorables que défavorables, les principales intéressées sont complètement muettes. Aucune parole d’allumettière n’est transcrite. Seules Georgina Cabana et Donalda Charron voient quelques rares propos, souvent paraphrasés, apparaître dans la couverture médiatique. La présidente, Ernestine Pitre, n’est que mentionnée à l’occasion. À l’inverse, les affirmations de l’aumônier responsable Joseph Bonhomme, des représentants syndicaux masculins, des échevins, de commerçants hullois et du patronat sont toutes bien présentes. Les travailleuses sont alors réduites à un ensemble silencieux et anonyme auquel les journaux et les différents acteurs peuvent imposer leurs idéaux.

Le conflit s’éternise, perdurant jusqu’en novembre. Des difficultés économiques se font sentir chez l’organisation syndicale et dans les familles d’allumettières. Le support des commerçants et de la presse s’essouffle. Néanmoins, grâce à l’intervention du maire de Hull, Louis Cousineau, les négociations entre le syndicat et le patronat reprennent[55]. Le lock-out prend fin et les allumettières peuvent finalement retourner au travail. Une entente est signée le 20 novembre. La compagnie assure qu’elle reconnaît le syndicat et accepte de garder les contremaîtresses en poste. Aucune mention n’est faite de la compression salariale qui était à la source du conflit initial. Cependant, la victoire ne dure que quelques jours. La situation s’envenime rapidement au début du mois de décembre. La compagnie annonce que les contremaîtresses impliquées dans le syndicat sont immédiatement mises à pied. De plus, les travailleuses doivent individuellement signer un document promettant de ne plus s’affilier à l’A.O.C.F. La lutte reprend aussitôt. Or, cette fois-ci, l’intérêt de la presse et l’appui populaire sont largement diminués. Plusieurs travailleuses refusent de retourner à l’emploi, certaines continuant de militer jusqu’à la fin du mois. Mais confrontées au renvoi permanent, la plupart d’entre elles se résolvent à reprendre le travail. Le conflit prend fin avec l’arrivée de la nouvelle année, après plus de trois mois de grève.
Les conditions économiques précaires des ouvrières, de leurs familles et des classes populaires de Hull auront donné la victoire à la E. B. Eddy qui aura su faire perdurer le conflit. Le syndicat, considérablement affaibli, subit durement la défaite. Les contremaîtresses impliquées dans le conflit, notamment la porte-parole Donalda Charron, sont définitivement renvoyées. L’exécutif féminin perd sa légitimité, ses membres n’étant plus à l’emploi de la compagnie. Possiblement par désintérêt ou par peur de représailles de la part du patronat, les travailleuses délaissent entièrement le syndicat. En 1925, il ne resterait plus que cinq allumettières dans l’organisation[56]. D’un même trait, les O.M.I. blâment les grévistes et leur défaite pour le déclin du syndicalisme catholique dans la cité de Hull tout en les accusant d’être davantage intéressées par des frivolités[57]. La fragilité de l’A.O.C. n’est pourtant pas surprenante alors que dans le reste du Québec, le syndicalisme catholique connaît une période difficile dans les années 1920[58]. Les allumettières viennent possiblement servir de bouc émissaire pour certains membres de clergé. Celles-ci sont à nouveau pointées du doigt trois ans plus tard quand la E. B. Eddy Match quitte Hull après avoir été achetée par une compagnie étrangère. Plus de 250 allumettier·ère·s sont mis·e·s à pied. Une autre fabrique voit le jour l’année suivante, fondée par d’anciens employés de la E. B. Eddy. Alors que près d’une centaine d’allumettier·ère·s y trouvent du travail, l’effort de syndicalisation, lui, ne renaît pas. Seuls les cours du soir et des activités récréatives organisés par l’A.O.C.F. restent populaires jusque dans les années 1930. L’aspect militant disparaît complètement[59].
Longtemps exclues du mouvement syndical en raison de leur genre et, dans une certaine mesure, de leur identité canadienne-française, les allumettières n’étaient pas pour autant désintéressées du militantisme ouvrier comme en témoigne leur volonté de fonder une organisation féminine au sein de l’A.O.H. Elles y trouvèrent un premier espace où elles pouvaient exprimer leurs griefs face à leurs conditions précaires ainsi qu’une capacité inédite de changer leur sort. Toutefois, elles furent constamment limitées par la structure hiérarchique de l’organisation, l’idéologie au cœur de celle-ci et, plus largement, les normes sociales qui régissaient leur conduite. Somme toute, l’expérience syndicale des allumettières en 1918 et 1924 montre bien la nécessité et leur volonté de lutter pour voir leur situation s’améliorer. Bien qu’elles aient dû affronter l’antisyndicalisme du patronat et le paternalisme de leur organisation ouvrière, nous pouvons penser qu’elles ont su démontrer à la compagnie, au clergé, aux exécutifs masculins, à la population et à elle-même leur agentivité et leur foi en la cause syndicale.
Notes
[1] À Hull, la majorité des femmes sont employées dans une maison privée, soit en tant que travailleuse domestique, couturière, modiste ou encore blanchisseuse. Or, dans les trois premières décennies du XXe siècle, plusieurs manufactures de textile s’installent et embauchent des femmes à Hull. Odette Vincent, « L’industrie et le monde du travail » dans Chad Gaffield (dir.), Histoire de l’Outaouais, Québec, IQRC, 1994, p. 298-299.
[2] L’historienne Odette Vincent s’est intéressée à la place des femmes et des enfants en Outaouais dans Filles et familles en milieu ouvrier : Hull, Québec, à la fin du XIXe siècle, Thèse de maîtrise, Université d’Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1988, et à travers ses contributions à Histoire de l’Outaouais, Chad Gaffield (dir.), Québec, IQRC, 1994.
[3] La première à publier à ce sujet sera Michelle Lapointe en 1979 : « Le syndicat catholique des allumettières de Hull, 1919-1924 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 32, n° 4, p. 603-628. Le bicentenaire de la ville de Hull (2000) leur offrira un moment de visibilité. Toutefois, c’est surtout avec l’attribution du toponyme « des allumettières » (2007) à un axe routier d’importance dans la nouvelle ville de Gatineau qui permettra de s’inscrire progressivement dans l’histoire locale et la mémoire collective en Outaouais.
[4] Odette Vincent, « L’industrie et le monde du travail » dans Chad Gaffield (dir.), Histoire de l’Outaouais, Québec, IQRC, 1994, p. 267
[5] Canada, Seventh census of Canada, 1931, volume II, Population by area, Ottawa, J. O. Patenaude, 1933, p. 158.
[6] Du côté ontarien, les Chaudières sont divisées entre la Booth et la Bronson, deux compagnies faisant également l’exploitation du bois. La E.B. Eddy reste la plus prospère des trois durant cette période.
[7] Entre 1881 et 1891, Hull devient la troisième ville en importance au Québec, dépassant ainsi Trois-Rivières. Citation pour Eddy. Or, au courant des années 1910, elle sera dépassée par Verdun. Canada, Population of Canada 1871-1931, Seventh Census of Canada, Ottawa, J. O. Paternaude, 1934, p. 22.
[8] Les activités du syndicat se poursuivront dans les années qui suivent, mais seront progressivement repoussées par la compagnie et le clergé de Hull. Théo Martin, « Les Chevaliers du travail à Hull de 1888 à 1913 : la vie tumultueuse d’une cellule francophone dans un syndicat international », Histoire Québec, vol. 11, no. 1 (juin 2005), p. 19-22. ; Odette Vincent, « L’industrie et le monde du travail » dans Chad Gaffield (dir.), Histoire de l’Outaouais, Québec, IQRC, 1994, p. 302
[9] Odette Vincent, « L’industrie et le monde du travail » dans Chad Gaffield (dir.), Histoire de l’Outaouais, Québec, IQRC, 1994, p. 303.
[10] John Michael Brac, Shepherds for a modern flock: Involvement of the Oblats de Marie-Immaculée in the Association ouvrière catholique de Hull, 1912-1921, Mémoire de maîtrise, Université d’Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, p. 44; Brian Hogan, « Church and Union: The case of Hull, 1912, 1921 », Labour/Le Travail, vol. 7 (1981), p.141.
[11] Odette Vincent, « L’industrie et le monde du travail » dans Chad Gaffield (dir.), Histoire de l’Outaouais, Québec, IQRC, 1994, p. 301.
[12] « The Eddy Lock-out », Société historique d’Ottawa (consulté le 9 septembre 2024).
[13] La modernité des installations de la E.B. Eddy sera à maintes reprises prisée par les journalistes. Notamment, Joseph Tassé le fera dans son rapport de visite à la fabrique d’allumettes qu’il publiera dans La Vallée de l’Outaouais, Montréal, Eusèbe Senécal, Imprimeur-éditeur, 1873, p. 28-29.
[14] Dans la plupart du temps, chaque boîte contient une demie grosse (72 allumettes) et une grosse (144 allumettes) d’après les nombreuses publicités de la compagnie et de ses distributeurs.
[15] Canadian Grocer, « Every Week with E.B. Eddy », 5 septembre 1919, p. 5.
[16] Données compilées tirées des listes nominatives du recensement canadien de 1911.
[17] En l’absence de liste de paie dans les archives de la E.B. Eddy, nous avons tenté de brosser un portrait démographique grâce aux listes nominatives du recensement. Toutefois, il est fort probable que de jeunes enfants se trouvaient également dans la fabrique, bien que l’âge minimal pour travailler soit légalement 14 ans pour les garçons et 15 ans pour les filles depuis 1885. Kathleen Durocher, Pour sortir les allumettières de l’ombre, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2022, p. 32-33.
[18] Si les familles d’allumettières craignent possiblement les contacts entre leur fille et les employés masculins, cette peur existe également chez l’élite canadienne. Pour préserver leur bonne image et s’éviter les critiques, plusieurs compagnies comme la Eddy s’assurent de séparer les départements féminins et masculins. Au sujet de l’anxiété face aux usines et ateliers mixtes, voir : Susan Mann Trofimenkoff, « One hundred and two muffled voices: Canada’s industrial women in the 1880’s », Atlantis: A women’s studies journal, vol. 3, n° 1 (1977), p. 66-82.
[19] Dans certains cas, il peut s’agit d’un parent (père, frère) ainsi que de la famille élargie. Kathleen Durocher, Pour sortir les allumettières de l’ombre, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2022, p. 47.
[20] Tamara Hareven, Family time and industrial time, Cambridge University Press, 1982, p. 85, 337.
[21] Kathleen Durocher, Pour sortir les allumettières de l’ombre, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2022, p. 38-43.
[22] Kathleen Durocher, Pour sortir les allumettières de l’ombre, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2022, p. 46-47.
[23] Bien que nous utilisions ici le terme « famille », celui-ci ne se limite pas à sa conception nucléaire. Fréquemment, les ménages peuvent inclure des membres de la famille élargie, une autre famille ou encore des logeur·euse·s.
[24] L’industrie du bois est grandement affectée par le changement de saison. Pour affronter la « saison morte » dans les scieries, les hommes quittent la ville à la recherche d’un autre emploi, notamment dans les camps de bûcherons de la région. Sur la nécessité du travail des enfants et la perception de celui-ci, voir : Lorna Hulr, « Restricting Child Factory Labour in Late Nineteenth Century Ontario », Labour/Le Travail, vol. 21 (printemps 1988), p. 87-121.
[25] Sur l’interdiction des allumettes de phosphore blanc au Canada : Kathleen Durocher, Pour sortir les allumettières de l’ombre, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2022, p. 73-96.
[26] « Ottawa », Montreal Daily Witness, 29 novembre 1883, p. 2.
[27] « Ottawa », Montreal Daily Witness, 30 novembre 1883, p. 1, « Hull News », Ottawa Citizen, 30 novembre 1883, p. 3.
[28] «Where Labour is Respected. Arrangements for the Comfort of the E. b. eddy Company’s Employees », The Kingston Daily News, 16 novembre 1898, p. 7.
[29] Bernard Dansereau, Le mouvement ouvrier montréalais, 1918-1929 : structure et conjoncture, Thèse de doctorat en histoire, Université de Montréal, 2000, p. 92-93 et 100 -105.
[30] Brian Hogan, « Church and Union: The case of Hull, 1912-1921 », Labour/Le Travail, vo. 7 (1981), p.131-132.
[31] Nous la voyons identifiée comme « présidente » ou « responsable » des œuvres syndicales féminines dans à de nombreuses reprises dans la rubrique syndicale qui paraît dans le journal Le Droit.
[32] Pour plus de détails sur l’idéologie derrière l’organisation féminine et la hiérarchie : Lapointe consacre un article sur la syndicalisation des allumettières : « Le syndicat catholique des allumettières de Hull, 1919-1924 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 32, n° 4 (1979), p. 603-628.
[33] Joseph Bonhomme, Œuvres dans la cité, Montréal, L’École sociale populaire, 1929, p. 16 ; « Organisations ouvrières », mars 1919, Codex Historicus, p. 138, Archives Deschâtelets (JC 4001 .C21C).
[34] Odette Vincent, « L’industrie et le monde du travail » dans Chad Gaffield (dir.), Histoire de l’Outaouais, Québec IQRC, 1994, p. 303-304.
[35] Elles n’ont pas la possibilité de s’inscrire à l’école technique de Hull, mise en place par les O.M.I. Joseph Bonhomme, Œuvres dans la cité, Montréal, L’École sociale populaire, 1929, p. 16.
[36] « Lockout chez Eddy », Le Droit, 13 décembre 1919, p. 4 ; « Le “lockout chez Eddy” », Le Droit, 14 décembre 1919, p. 4.
[37] Codex Historicus, janvier 1920, p. 148. Archives Deschâtelets, Codex historicus (JC 4001. C21C) ; Michelle Lapointe, « Le syndicat catholique des allumettières de Hull, 1919-1924 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 32, n° 4 (1979), p. 615.
[38] C’est notamment ce que confirme Joseph Bonhomme, l’aumônier de l’AOH un peu plus tard, en 1921. Luc Desrochers, « Les facteurs d’apparition du syndicalisme catholique dans l’imprimerie et les déterminants de la stratégie syndicale 1921-1945 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 37, no2 (1983), p. 248.
[39] Du moins, c’est ce qu’on peut croire à la lecture des quelques articles du journal Le Droit à ce sujet entre le 14 et le 17 décembre 1919.
[40] « Moins de travail, salaire meilleur », Le Devoir, 20 décembre 1919, p. 7
[41] Par exemple, la grève et l’AOCFH serviront d’exemple à Marie Gérin-Lajoie pour montrer l’importance des organisations ouvrières féminines catholiques. « Chronique des œuvres », La Bonne Parole, juillet 1919, p. 3 ; « Le syndicalisme féminin », La Semaine sociale du Canada, Montréal, L’Action paroissiale, 1921, p. 299.
[42] Compte rendu de l’Association ouvrière de Hull, 7 mai 1919. BAnQ, Fonds Confédération des syndicats nationaux. Conseil central de l’Outaouais ; Joseph Bonhomme, Notes historiques des syndicats catholiques et nationaux de Hull, 1921, p. 1, Archives Deschâtelets, Fonds de la paroisse Notre-Dame (JC 4026. C21M) ; « Procès-verbaux de l’Association ouvrière de Hull », 6 septembre 1920, BAnQ, Fonds Confédération des syndicats nationaux. Conseil central de l’Outaouais.
[43] En plus des articles de journaux, le Codex Historicus produit par les O.M.I. informe de leurs activités et des œuvres sociales de l’Église. Si les archives des organisations féminines n’ont pas été préservées, il en est autrement pour celles de l’A.O.H donc plusieurs archives ont survécu et sont conservées par la C.S.N. et la BAnQ.
[44] « Aux assises ouvrières de Hull », La Presse, 27 septembre 1921, p. 12 ; « Les unions nationales et catholiques à Hull », Le Devoir, 27 septembre 1921, p. 1.
[45] Les évènements sont résumés dans « Eddy menace de partir de Hull », La Presse, 11 avril 1924, p. 29.
[46] Le début des années est marqué par une première période de crise économique et porte un premier coup à la prospérité de la E. B. Eddy. Odette Vincent, « L’industrie et le monde du travail » dans Chad Gaffield (dir.), Histoire de l’Outaouais, Québec, IQRC, 1994, p. 294.
[47] « La grève chez Eddy 22 sept. Au 20 nov », Codex Historicus, p. 254. Archives Deschâtelets (JC 4001. C21C)
[48] Durant le conflit, Donalda Charron est également identifiée comme représentante et même, à tort, comme présidente du syndicat des allumettières.
[49] Les agissements de la Eddy, Le Droit, 1er octobre 1924, p. 4.
[50] « On tient aux contremaîtresses », Le Droit, 6 octobre 1924, p .4.
[51] « Ce que fait la Cie Eddy » et « Toute la population sympathise sincèrement », publiés le 2 octobre 1924 dans le Droit (p. 4), utilisent ces termes. Le journal en fera de même plusieurs fois au cours du mois.
[52] Selon la Labour Gazette canadienne, sept jeunes hommes sont reconnus coupables d’avoir intimidé d’autres employés de la Eddy pendant le conflit à la fabrique d’allumettes le 2 décembre 1924. Ministère du Travail, Labour Gazette for the Year 1924, Vol. XXIV, Ottawa, Government printing bureau, 1924, p. 1110.
[53] « Superintendent and male employees molested at work », Ottawa Citizen, 20 octobre, p. 1.
[54] « Trois jeunes filles grévistes arrêtées », La Presse, 29 septembre 1924, p. 3. Le 29 octobre, le journal Le Droit mentionne que la police avait fait appel à des forces supplémentaires pour protéger les employés qui désirent travailler. Le journal affirme toutefois que l’initiative est injustifiée. « On reverra les constables supplémentaires », Le Droit, p. 4.
[55] À l’occasion, le maire de la ville formera un comité pour négocier avec la compagnie. « Les ouvriers de Hull protestent », La Tribune, 13 août 1924, p. 8.
[56] Joseph Bonhomme, Rapport des syndicats nationaux catholiques de Hull et d’Ottawa pour l’année 1924-1925 adressé à l’aumônier général, Archives Deschâtelets, Fonds de la paroisse Notre-Dame (JC 4026. C21M).
[57] Joseph Bonhomme, Notes historiques des syndicats catholiques et nationaux de Hull, 1929, p. 2, Archives Deschâtelets, Fonds de la paroisse Notre-Dame (JC 4026. C21M) ; Joseph Bonhomme, Enquête faite au département des allumettes de la Cie. E.B. Eddy au sujet de l’observation de la morale, 1926. Archives Deschâtelets, Fonds de la paroisse Notre-Dame (JC 4026. C21M).
[58] Jacques Rouillard, Les syndicats nationaux au Québec de 1900 à 1930, Québec, Presses de l’Université Laval, 1979,p. 233.
[59] Selon Joseph Bonhomme, plusieurs centaines de filles et jeunes femmes s’inscrivent au cours du soir. Notes historiques des syndicats catholiques et nationaux de Hull, 1929, p. 2 ; Joseph Bonhomme, Œuvres dans la cité, Montréal, L’École sociale populaire, 1929, p. 16.




