UN CERCLE QU’IL FAUT BRISER – Max Chancy

Max Chancy (1928-2002) est un militant marxiste haïtien, exilé au Québec durant plus de vingt ans en raison de la dictature des Duvalier en Haïti. Max Chancy est né à Port-au-Prince en 1928. Il se démarque rapidement par ses capacités intellectuelles et par son engagement politique ; il se rapproche intellectuellement du mouvement de La Ruche, qui conteste le pouvoir anti-populaire du président Élie Lescot, dès 1947.

Suite à des études remarquées à Paris puis en Allemagne durant les années 1950, Max Chancy revient en Haïti où il trouve rapidement un poste à l’université. Pourtant, dès 1957, François Duvalier s’installe au pouvoir sur l’île. Il y instaure rapidement un régime autoritaire, puis dictatorial. Max Chancy rejoint alors ouvertement le camp des opposants au régime (au sein du Parti Populaire de Libération nationale). Dans ce contexte, Chancy se tourne vers le marxisme pour expliquer l’état d’inféodation de son pays et l’instauration d’une telle dictature sur l’île. À partir de 1958-1959, les activités de Chancy et de ses camarades devront être pleinement clandestines. Un réseau de résistance s’organise, qui diffuse notamment un journal clandestin, Haïti-Demain. Chancy travaille aussi à unir la résistance à la dictature au sein du Front Démocratique Unifié. L’organisation préconise, en plus d’un soulèvement de masse, une lutte armée contre la dictature. Mais en 1963, Chancy est victime du terrorisme d’État. Enfermé et torturé, il évite la mort grâce à ses contacts dans le monde universitaire. Libéré, il doit pourtant quitter l’île dans le plus grand secret. Il vient s’installer à Montréal.

Au Québec, Chancy continue la lutte. En plus de participer aux luttes syndicales dans le monde de l’enseignement ou à la Conférence internationale de solidarité ouvrière aux côtés de Michel Chartrand en 1974, Chancy organise un cercle communiste haïtien à Montréal. Il rassemble autour de lui des exilé.es haïtien.nes et des allié.es qui sont désireu.ses de continuer la lutte contre la dictature. Ainsi, de 1965 à 1982, son appartement de la rue Champagneur (voir l’article en ligne de Julie Noël sur cet appartement mythique) sera un haut lieu de l’organisation politique des Haïtien.nes de Montréal. Toujours dans le but d’organiser les Haïtien.nes d’ici, à la fois contre la dictature mais aussi contre la société capitaliste en général, Chancy participe à la création de la Maison d’Haïti en 1972 (nous reviendrons dans un article spécifique sur la Maison d’Haïti de Montréal ; l’article en ligne de Marjorie Villefranche sur la Maison vaut le détour). Tout ce travail « visible » s’accompagne aussi d’un travail invisible, et durant plusieurs années, Chancy organisera des voyages clandestins en Haïti pour envoyer argent et armes aux résistant.es resté.es sur l’île.

Malade et affaibli, Max Chancy aura la joie de pouvoir retourner en Haïti en 1986 (suite à la chute de la dictature du « fils » Duvalier). Il ne pourra malheureusement pas participer aux luttes des années 1990 dans son pays, à cause de son état de santé. Chancy décède à Pétion-Ville en 2002.

Si Chancy est plus célèbre au Québec pour son travail dans le monde de l’éducation, où il travailla à garantir un accès au savoir pour les marginalisé.es et notamment les immigrant.es, il nous semble que le sens de la vie de Max Chancy tienne dans sa lutte acharnée contre l’oppression et la dictature. « Car Max Chancy était avant tout un militant, un militant qui consacra sa vie à Haïti. » Remarquons d’ailleurs que sa lutte ne fut jamais très bien vue au Canada, alors que Max Chancy vécut sans statut de 1965 à 1982 sur ce territoire, ce qui lui interdisait de facto de voyager et maintenait une menace d’expulsion permanente à son endroit. Comme quoi la connivence de notre gouvernement avec la dictature haïtienne ne se cachait trop guère…

Nous proposons ici un texte très rare de Max Chancy, datant de 1977, qui analyse les rapports entre l’État canadien et la dictature haïtienne. Dans Un cercle qu’il faut briser, Chancy explicite l’exploitation des ressources d’Haïti par les puissances impérialistes en échange de l’appui de celles-ci à la dictature, et la création d’une main-d’œuvre à bon marché  pour les puissances impérialistes en raison de l’immigration forcée de milliers de travailleur.euses haïtien.nes devant fuir la dictature. Ce texte d’histoire est aussi toujours d’actualité, alors que Haïti reste à ce jour une sorte de colonie du Canada. On lira à ce sujet avec profit Canada in Haiti paru en 2005 chez Fernwood Publishing. Par ailleurs, depuis juillet 2018, le peuple haïtien se révolte contre le gouvernement fantoche et corrompu de Jovenel Moise, à la solde des investisseurs étrangers. On lira à ce sujet l’article Pour une réelle solidarité entre le Québec et Haïti, fruit du collectif montréalais Solidarité Québec-Haïti.

Le texte figure (avec d’autres) en annexe d’un petit ouvrage intitulé sobrement Max Chancy. L’ouvrage d’Adeline Magloire Chancy, publié par la Fondation Gérard Pierre-Charles, est paru à Pétion-Ville en 2007. Nous tenterons de mettre en ligne peu à peu les autres textes qui y figurent. Le texte Alexis Politique qui raconte et analyse la vie et l’engagement politique de l’auteur marxiste haïtien Jacques Stephen Alexis (1922-1961) a maintenant été mis en ligne par nos soins. Enfin, on pourra voir et entendre Max Chancy raconter l’histoire d’Haïti dans cette vidéo en cinq parties [12345] tirée du documentaire Des idées, des pays, des hommes de Daniel Bertolino (Québec, 1975).

AR.13 Livre

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