Partie I. Bâtir un pouvoir populaire
Introduction. Exposer les luttes du passé
Les années 1960. Le Québec en changement
1969-1972. Les Comités d’action politique (CAP) et le Front d’action politique (FRAP)
1970. La Crise d’Octobre et la transformation de l’extrême gauche au Québec
Partie II. Exercer le pouvoir ouvrier
1972. Le Front commun
1972-1975. luttes ouvrières et horizon marxiste-léniniste
Conclusion. Vers de nouveaux combats


Manifestation et piquetage lors du Front commun de 1972 (Source : Archives de la CSN).
1972. Le Front commun
« Le syndicalisme, c’est le peuple organisé. »
Marcel Pepin, Positions (1968)
Les grandes centrales syndicales québécoises, qui avaient bien accueilli les réformes de la Révolution tranquille, durcissent le ton face à l’État et affinent leurs positions politiques vers la fin des années 1960. Le syndicalisme de combat, centré sur la construction d’un rapport de force avec l’État et le patronat, influence la perspective des grandes centrales qui critiquent « l’État bourgeois » et ébauchent un projet de société socialiste. On cherche à dépasser l’esprit corporatiste et à faire valoir les intérêts des travailleur·euse·s face aux classes dominantes « protégées par leur État[1] ». Une partie des syndiqué·e·s espère que leurs organisations deviennent l’outil de la classe ouvrière pour affronter la bourgeoisie, mais plusieurs membres restent en désaccord avec ces propositions radicales. Cette contradiction éclatera lors du Front commun intersyndical de 1972[2].
Les trois manifestes des centrales syndicales
Peu avant le premier Front commun, les centrales publient chacune un manifeste exprimant leurs nouvelles conceptions politiques. En 1971, la CSN publie Ne comptons que sur nos propres moyens, alors que la FTQ publie L’État, rouage de notre exploitation. En 1972, la CEQ, qui rassemble les enseignant·e·s, publie L’école au service de la classe dominante.
Ne comptons que sur nos propres moyens, publié par la CSN, dénonce l’impérialisme américain au Québec. L’analyse des structures de production montre comment l’économie québécoise et sa bourgeoisie nationale sont soumises à la grande bourgeoisie étrangère. Les investisseurs étrangers achètent les entreprises québécoises, faisant en sorte que les profits engendrés grâce aux ressources et à la main-d’œuvre d’ici aboutissent aux États-Unis. Le manifeste affirme que les réformes du parti libéral qui prétendaient nous rendre « maîtres chez nous » ont échoué : l’État québécois continue à être au service de Toronto et de Wall Street. Les instruments de « libération économique » créés durant la Révolution tranquille – comme la Caisse de dépôt et placement ou l’étatisation de l’électricité – sont insuffisants pour émanciper le Québec du capitalisme anglo-américain. Pour que ces instruments atteignent leur objectif libérateur, il faudrait qu’ils soient contrôlés par les travailleurs et non par la bourgeoisie nationale vassalisée. Le manifeste expose par conséquent la nécessité de renverser le capitalisme et d’établir une économie planifiée socialiste, prise en charge par « les travailleurs québécois et démocratiquement gérée[3] ».
L’État rouage de notre exploitation, produit par la FTQ, rassemble quatre documents de travail adoptés lors de son 12e congrès en 1971. Le plus intéressant est le Manifeste pour une nouvelle stratégie qui propose un dépassement du système socio-économique capitaliste. Le Manifeste constate l’échec des luttes isolées, avant de souligner qu’elles devraient être liées parce qu’elles concernent toutes le conflit capital / travail. Le problème c’est « le système capitaliste monopoliste organisé en fonction du profit de ceux qui contrôlent l’économie, jamais en fonction de la satisfaction des besoins de la classe ouvrière[4] ». L’État est un rouage essentiel dans le fonctionnement de ce système d’exploitation en vertu de ces appareils politiques, juridiques et idéologiques. Il faut s’organiser pour remplacer le système capitaliste et l’État libéral qui le soutient « par une organisation sociale, politique et économique dont le fonctionnement sera basé sur la satisfaction des besoins collectifs[5] ». Par contre, les actions concrètes proposées par la FTQ ne sont pas à la hauteur de la radicalité de son analyse du système. La centrale suggère des actions qui pourraient être menées à court terme par le gouvernement (suivant la pression des travailleurs) afin de « contenir » les dégâts du système capitaliste. Il s’agit principalement de renforcer les institutions économiques québécoises et de nationaliser l’épargne grâce à la Caisse de dépôt et placement.
Enfin, L’école au service de la classe dominante, produit par la CEQ, analyse le rôle de l’école dans la reproduction des inégalités sociales et de classe au Québec. La centrale considère que l’éducation en régime capitaliste vise à former une main-d’œuvre docile, ce qui implique la discipline, la hiérarchie et la compétition entre élèves. Le système scolaire prépare, dès leur plus jeune âge, les « futurs exploiteurs » et les « futurs exploités ». L’analyse de la CEQ, bien que pertinente, reste plus limitée que celle de la CSN (la plus audacieuse quant aux actions proposées) et celle de la FTQ.
En bref, les trois manifestes contestent la capacité de l’État québécois, dominé par une bourgeoisie nationale soumise aux capitaux étrangers, à répondre aux besoins du peuple. Selon les centrales, l’État et ses institutions, ainsi que le monde de l’entreprise privée, sont incapables d’assurer le bien-être collectif. C’est pourquoi il est nécessaire d’établir le pouvoir des travailleur·euse·s, voire un régime socialiste.




Les trois manifestes des centrales syndicales (Photos AR).
En bas, on peut voir un exemplaire du journal La [Presse] libre, produit par les lock-outés de La Presse lors du conflit de 1964. Un autre conflit éclate au début des années 1970 et dure sept mois, de juillet 1971 à février 1972 (Source : Archives de la CSN).
Le Front commun de 1972
En janvier 1972, les trois grands syndicats (CSN, FTQ et CEQ) décident de s’unir dans un Front commun pour négocier les conditions de travail dans le secteur public. Le slogan du Front commun : « Nous, le monde ordinaire ». Sa principale réclamation : un salaire minimum de 100 $ par semaine pour tout·e·s les employé·e·s du secteur public québécois, pour les sortir de la pauvreté et établir une norme qui exercerait une pression à la hausse sur les salaires des travailleur·euse·s du secteur privé. Les revendications du Front commun comprennent aussi l’équité salariale entre les femmes et les hommes, la sécurité d’emploi et des avantages sociaux comme les congés de maternité. Lorsque le gouvernement de Robert Bourassa refuse de négocier, les 210 000 syndiqué·e·s du Front commun déclenchent une grève générale illimitée le 11 avril 1972.
Le gouvernement impose des injonctions qui forcent le retour au travail, puis promulgue une loi spéciale, le Bill 19, qui interdit la poursuite de la grève et lui permet d’imposer des conventions collectives dans le secteur public et parapublic. De lourdes sanctions sont prévues en cas de désobéissance. Les directions syndicales décident alors de suspendre le débrayage et de retourner négocier ; cet appel au retour au travail mécontente un bon nombre de grévistes prêts à défier les injonctions et la loi[6]. Malgré cela, le gouvernement poursuit les chefs syndicaux qui avaient déclaré vouloir inciter leurs membres à ne pas respecter les injonctions d’avril. Le 8 mai, Marcel Pepin (CSN), Louis Laberge (FTQ) et Yvon Charbonneau (CEQ) sont condamnés à un an de prison[7].
Cette provocation enflamme le mouvement ouvrier qui réagit par de très nombreuses grèves impromptues dans le secteur public comme privé, paralysant la province entre le 11 et le 14 mai. Dans les villes de Montréal, Joliette, Thetford Mines et Saint-Jérôme, les travailleurs organisés occupent leurs usines, produisent leurs propres journaux, bloquent les routes et manifestent. Malgré l’illégalité de la grève, des enseignants, des métallurgistes, des mineurs, des journalistes, des commerçants et des infirmières s’unissent dans un même mouvement, tandis que dans plusieurs villes, le contrôle des travailleur·euse·s sur leur vie quotidienne constitue l’embryon d’un véritable « pouvoir ouvrier »[8].


Trois affiches du Front Commun de 1972 présentées lors de l’exposition d’Archives Révolutionnaires en mars 2023 au Bâtiment 7 (Photos AR).
La ville de Sept-Îles est paralysée pendant près d’une semaine en raison de son occupation par les travailleur·euse·s. Les ouvriers de la construction, rejoints par les mineurs puis les métallos de toute la Côte-Nord, se joignent au mouvement de grève. Le 10 mai, une assemblée de 800 travailleur·euse·s décide de fermer tous les commerces non essentiels de Sept-Îles et un groupe de syndiqués prend le contrôle de la radio locale[9]. Dans l’après-midi, des manifestant·e·s rassemblé·e·s devant le palais de justice affrontent les policiers. Ceux-ci, incapable de contenir les grévistes, sont forcés de se barricader, tandis que les travailleur·euse·s proclament la ville « sous contrôle ouvrier » ! L’euphorie est de courte durée : au cours de la manifestation, un citoyen anti-grève percute la foule avec sa voiture, blessant plus de 40 personnes et tuant un manifestant. Bien qu’une assemblée de 4000 personnes soit organisée le lendemain pour négocier avec les autorités gouvernementales, le rapport de force est rapidement inversé. La police locale, soutenue par la Sûreté du Québec, lève les barrages et reprend le contrôle de la ville. Incapables de poursuivre les assemblées syndicales et ayant perdu leur rapport de force, les travailleur·euse·s reprennent progressivement le travail entre le 15 et le 18 mai.
Le Front commun dans son ensemble se désagrège progressivement, des scissions se formant au sein des centrales syndicales, donnant notamment naissance à la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) qui rejette les orientations radicales de la CSN. Le gouvernement Bourassa, par la répression et la division, reprend le contrôle des évènements et impose, à l’été et à l’automne, une série de conventions négociées par secteur. Le Front commun se termine ainsi dans l’amertume. Au lendemain des évènements de 1972, un constat s’impose : les centrales syndicales n’ont pas su dépasser les limites imposées par la légalité bourgeoise ni aller au-delà du modèle de la négociation des conditions de travail[10]. Alors que les centrales optent pour le repli devant les menaces légales, elles sont dépassées par une base ouvrière combative qui refuse le retour au travail dans plusieurs villes du Québec, ce qui s’exprime en particulier lors des affrontements de mai. Ces mobilisations autonomes ont montré aux travailleur·euse·s qu’ils et elles peuvent s’organiser par eux-mêmes, en créant leurs propres groupes et en menant leurs propres actions.
Le Front commun a démontré aux travailleur·euse·s en lutte « la nécessité de la solidarité ouvrière, la nécessité de l’unité syndicale, la nécessité de la démocratisation des structures syndicales, la conscience de la nature et du rôle de l’État pro-monopoliste et pro-impérialiste[11] ». L’idée d’un mouvement populaire de masse qui place les travailleur·euse·s au cœur de l’action fait son chemin dans l’imaginaire militant[12]. Bien sûr, cette voie radicale est contrebalancée par celles et ceux qui restent attachés au syndicalisme traditionnel ou au Parti Québécois, deux options étapistes et considérées comme plus réalistes pour donner un certain pouvoir aux classes populaires dans la société québécoise[13]. Mais la table est mise pour une séquence particulièrement puissante des luttes populaires.



Rassemblement du Front Commun au Forum de Montréal le 7 mars 1972 (Source : Archives de la CSN).
1972-1975. Luttes ouvrières et horizon marxiste-léniniste
« Comme on se battait contre les boss, c’était logique de se battre aussi contre le système qui permet aux boss de nous exploiter. Gagner une grève ça n’empêche pas les boss de venir gruger, avec l’inflation d’un bord, ce qu’ils sont forcés de nous donner en augmentation de l’autre bord… »
La solidarité des gars de Firestone égale victoire (1974)
Les années 1970 sont marquées par les grèves et l’activité intense des mouvements ouvriers. Le Front commun a permis, pour une partie des militant·e·s syndicaux·ales et d’extrême gauche, de figurer une recomposition plus radicale du mouvement, au-delà des syndicats[14]. Malgré son ampleur, le Front commun est perçu par certain·e·s comme un échec pour ce qui a trait aux revendications immédiates[15]. De plus, le mouvement a été incapable de se poursuivre pleinement sur le terrain politique. En conséquence, dans les villes de Montréal, Sept-Îles, Joliette ou Saint-Jérôme, se développe un mouvement ouvrier qui se veut plus indépendant des grandes centrales syndicales tout comme des partis politiques. Les Comités d’action politique et les groupes d’extrême gauche se reconfigurent, en adoptant de plus en plus une perspective marxiste-léniniste. Ces groupes de travailleur·euse·s en lutte avancent le projet d’un Québec socialiste et capable de s’autodéterminer, en s’inspirant du mouvement anti-impérialiste mondial. La révolution ne viendra pas d’en haut : elle sera faite par les masses, par la classe ouvrière auto-organisée au sein des lieux de travail et de la communauté.
Les années de grèves (1973-1975)
Les années 1970 au Québec sont marquées par de nombreuses grèves et une affirmation des revendications ouvrières dans le secteur public comme privé[16]. La plupart des travailleur·euse·s se battent contre des multinationales américaines qui sous-paient leurs employé·e·s, répriment ceux et celles qui tentent d’y instaurer des syndicats ou refusent la formule Rand. À partir de 1973, le contexte économique est, de plus, marqué par une période de « stagflation » : la croissance stagne et les emplois se font plus rares, tandis que les prix augmentent. Le salaire réel moyen est à la baisse et le chômage augmente[17]. Nombre de travailleur·euse·s luttent pour leurs conditions de vie, tout en mettant de l’avant des propositions politiques. Au cours de ces grèves, les travailleur·euse·s produisent des journaux et se lient avec des groupes politiques qui les soutiennent.
Au printemps 1973, la ville de Joliette est le théâtre de deux grèves très dures. En mars, les 315 travailleurs de l’usine Firestone Tire and Rubber débraient afin de négocier une nouvelle convention collective[18]. Au Québec, ce géant du caoutchouc emploie une main-d’œuvre qualifiée, mais lui offre un salaire beaucoup plus bas qu’en Ontario ou aux États-Unis. Ce sont des ouvriers radicaux de l’usine qui poussent pour la grève, dépassant leur propre syndicat jugé trop mou. Ils créent le Comité des 30 pour organiser la négociation : ils exigent une augmentation salariale, de travailler en français, une limitation du temps supplémentaire, la sécurité d’emploi et l’extension du droit de grief. Le comité offre des formations aux ouvriers en grève ainsi qu’à leur famille et organise un boycottage pour mettre de la pression sur l’entreprise. Fait notable, les femmes des grévistes organisent aussi des formations afin d’expliquer le conflit en cours et s’organisent en tant que femmes de grévistes sur la base de leurs propres problèmes[19]. Des groupes militants de l’extérieurs supportent les grévistes et les aident à se former politiquement, tout en maintenant la liaison avec d’autres camarades en lutte à Joliette, notamment ceux de la Consolidated Textile, de Joliette-Construction et de la Canadian Gypsum[20].
En mai 1973, les ouvriers de la Canadian Gypsum déclenchent une grève[21]. Ces travailleurs font face à une administration anti-syndicale qui refuse – en toute illégalité – la formule Rand. L’administration américaine, intransigeante, utilise la violence ainsi que des briseurs de grève afin de stopper le mouvement. Cette grève de 21 mois est racontée dans le film Debout face au mépris (2017) produit par le collectif Ferrisson[22]. Des comités de solidarité se forment dans plusieurs villes, tandis que les grévistes font appel à des groupes politiques pour se former[23]. Ce printemps-là est marqué par de nombreuses manifestations de solidarité avec les grévistes à Joliette, dont la manifestation du 11 juin qui rassemble quelque 2 500 personnes[24].



À gauche, manifestation du 1er mai 1974 à Joliette. Au centre, manifestation du 1er mai 1970 à Montréal (Pierre Gaudard, Musée des Beaux-Arts du Canada). À droite, une altercation avec la police lors de la grève d’United Aircraft, à Longueuil en 1975.
En septembre 1973, les 750 ouvriers de la Canadian Steel Foundries de Montréal déclenchent une grève illégale suite au congédiement de deux de leurs collègues qui avaient soulevé les problèmes de santé et de sécurité auxquels faisaient face les travailleurs[25]. Environ 17 % des employés de la Canadian Steel étaient atteints de silicose. Ce fait est découvert lorsque deux militants du CAP Saint-Jacques, établis dans ce milieu pour y mener du travail politique, font massivement passer des tests aux ouvriers de l’usine réputée pour ses mauvaises conditions de travail[26]. La grève est menée à l’initiative du Comité de travailleurs de la Steel, un groupe autonome qui s’organise depuis décembre 1972 à l’extérieur du syndicat local des Métallos. Le comité s’oppose à la gestion conciliatrice du syndicat et mène sa grève avec des objectifs politiques plus larges, ce qui déplaît au syndicat qui tente de briser leur lutte[27]. Suite à la grève, les militants du CAP sont mis à pied par la direction, mais leur travail politique a donné lieu à la création du journal d’usine À nous la parole.
En novembre 1973, 40 travailleurs de l’usine Shellcast, une entreprise de métallurgie de Montréal-Nord qui fabrique des pièces pour l’industrie aéronautique et électronique, font la grève pour obtenir la reconnaissance syndicale. La plupart des employés de Shellcast sont des immigrants d’origine latino-américaine, grecque et haïtienne. L’entreprise profite de leur statut précaire et du fait qu’ils n’ont pas de syndicat pour abuser d’eux. Malgré une intense mobilisation en faveur des employés de Shellcast, cette grève se termine par un échec en raison de la répression du patronat et du ministère de l’Immigration, qui intervient directement contre les grévistes.


Au début de l’année 1974, les travailleur·euse·s de la United Aircraft de Longueuil – aujourd’hui Pratt & Whitney – déclenchent une grève[28]. La compagnie américaine refuse la formule Rand et fait, elle aussi, appel aux briseurs de grève. Le conflit est violent et long. Il donne lieu à des occupations, du sabotage, mais aussi à plusieurs manifestations de solidarité. Entre autres, L’Automne Show est organisé en appui aux les grévistes et le 21 mai 1975, une manifestation de solidarité rassemble des centaines de personnes. Une des expériences les plus intéressantes de ces années est cette de Tricofil (situé à Saint-Jérôme) en 1974, lorsque les ouvrier·ère·s de cette usine de textile qui menace de fermer la reprennent et y instaurent l’autogestion, créant ainsi la société populaire Tricofil. La grève de 1966 et l’occupation de l’usine en 1972 avaient favorisé la prise de conscience des travailleur·euse·s, tandis que la combativité et l’indépendance d’esprit du syndicat local leur permet, en 1974, de mettre en place une alternative concrète à la fermeture de l’usine. Pendant huit ans, les ouvrier·ère·s de la société populaire Tricofil s’organisent démocratiquement par le biais de leurs assemblées générales et leurs comités de base pour gérer la production. Les documentaires Tricofil c’est la clef de François Brault (1976) et Tissu d’espoir, par Ferrisson (2016), rendent compte de cette expérience[29].
Les nombreuses grèves des années 1973-1975 sont souvent le fruit d’une organisation autonome, parfois endossée par la direction syndicale locale. Plusieurs militant·e·s d’extrême gauche s’impliquent d’ailleurs dans les syndicats à l’époque et entretiennent des liens organiques avec la base militante, entre autres par le biais des comités de travailleurs. Autrement dit, la pensée et l’action révolutionnaires, quoique jamais hégémoniques, se retrouvent à différents échelons et dans différentes organisations[30].





En haut, de gauche à droite : l’album de l’Automne Show, un concert de solidarité avec les grévistes de United Aircraft ; piquetage devant l’usine Shellcast à Montréal-Nord ; manifestation du CSLO à Montréal en 1974 (L’extrême gauche, p.119).
En bas : bilan de la grève de Shellcast produit par les militant·e·s du CSLO et pamphlet promotionnel de Tricofil (Photos AR).
L’extrême gauche et les mouvements ouvriers
Tandis que de nombreuses grèves agitent les milieux de travail, l’extrême gauche subit elle aussi une reconfiguration. Le Comité d’action politique (CAP) Saint-Jacques s’est disséminé : une partie de ses militant·e·s a rejoint le Regroupement des comités de travailleurs, dont l’objectif est l’implantation en usine et la création de comités de travailleurs en dehors des syndicats. D’autres ont rejoint la Cellule militante ouvrière (CMO)[31] alors qu’un troisième groupe a décidé de maintenir la clinique médicale et s’est rapproché de Charles Gagnon qui a fait paraître la brochure Pour un parti prolétarien à l’automne 1972[32]. Une partie des militant·e·s continue d’animer le journal Mobilisation qui se veut un « moyen d’échange et de formation dont le but [est] de contribuer au développement de l’unité politique et idéologique des groupes œuvrant à l’édification du parti du prolétariat[33] ».
Plusieurs groupes se forment, qui se réclament ouvertement du marxisme-léninisme[34]. En rupture avec les partis communistes historiques, comme le Parti communiste du Québec (PCQ, branche provinciale du Parti communiste du Canada), ils rejettent l’URSS comme modèle et se tournent vers la Chine maoïste qui semble à l’époque laisser plus de place à l’expression révolutionnaire des travailleur·euse·s et des paysan·ne·s. Vers 1973, on compte parmi les marxistes-léninistes le groupe qui anime la revue Mobilisation[35], l’Agence de presse libre du Québec (APLQ), la Cellule militante ouvrière (CMO), la Cellule ouvrière révolutionnaire (COR), le Mouvement révolutionnaire des étudiants du Québec (MREQ)[36], En Lutte !, le Groupe Abitibi-Témiscamingue marxiste-léniniste[37], ainsi que le Parti communiste du Canada marxiste-léniniste (PCC-ML), fondé en 1970 par le militant d’origine indienne Hardial Bains.
De leur côté, les organisations trotskystes rassemblent aussi un grand nombre de membres. Parmi elles, on compte le Groupe marxiste révolutionnaire (GMR)[38], le Groupe socialiste des travailleurs du Québec (GSTQ)[39] ou encore la Ligue socialiste ouvrière (LSO)[40], une section de la League for Socialist Action (LSA) canadienne.


À gauche, une annonce pour la projection du film Shanghai au jour le jour, à l’occasion du 8 mars 1975, dans le bulletin du CSLO (Solidarité, vol.2, no.6). À droite, des documents du groupe marxiste-léniniste En lutte ! (Photos AR).
En octobre 1973, le Comité d’information politique (CIP), l’Équipe du journal En Lutte ! et le Théâtre de la shop s’unissent pour fonder le Comité de solidarité avec les luttes ouvrières (CSLO). Le groupe vise à appuyer les grévistes de Firestone, avec qui les militant·e·s sont en contact. La réunion de fondation du CSLO réunit une vingtaine de groupes de la région métropolitaine. L’objectif est « d’appuyer concrètement les luttes ouvrières[41] ». Il cherche à susciter des liens de solidarité entre les travailleur·euse·s, les organisations et les militant·e·s dans une perspective anticapitaliste et anti-impérialiste[42]. Le CSLO publie le bulletin Solidarité qui rend compte des luttes qui se déroulent à l’époque. Au cours de son existence, il anime plusieurs comités de soutien à des grèves et des cercles de lecture auxquels se joignent des groupes populaires. Le CSLO contribue aussi à la mise sur pied de garderies et d’autres services communautaires[43].
Comme on a pu le voir, une certaine jonction se crée entre les militant·e·s d’extrême gauche et le mouvement ouvrier, entre autres parce que plusieurs militant·e·s ont décidé de s’impliquer concrètement dans les luttes de différents milieux de travail. Bien des travailleur·euse·s, politisé·e·s lors des grèves qui se succèdent, ressentent par ailleurs les limites de leurs syndicats. Certain·e·s s’estiment mal défendu·e·s, d’autres ressentent une déconnexion entre l’exécutif et la base. Plusieurs estiment donc qu’il faut démocratiser les structures syndicales et radicaliser certaines demandes économiques. Enfin, certain·e·s souhaitent inscrire les demandes syndicales dans un programme politique plus englobant, pour en finir avec les demandes à la pièce[44]. Bien qu’essentiel pour mener des luttes économiques, et pour la santé et la sécurité au travail, le syndicat vise paradoxalement à régulariser les relations entre les travailleur·euse·s et le patronat par des mécanismes légaux. En ce sens, il maintient ultimement l’exploitation capitaliste[45]. Afin de favoriser la combativité de la base, ces ouvriers forment des comités et éditent des journaux. Si certains comités s’organisent de manière autonome, d’autres se lient avec des groupes d’extrême gauche ou sont influencés par des militants implantés en milieu ouvrier.
C’est ce qui se produit en 1974, alors qu’une coalition de travailleurs de la Canadian Steel Foundries, de Volcano (section Montréal), de l’American Can (à Somerville), de Petrofina et de trois autres usines de la région de Montréal publie un journal commun, L’unité. Les numéros de L’unité montrent le lien entre les travailleurs d’usine et les groupes d’extrême gauche, faisant par exemple la promotion des garderies populaires et des luttes de quartier menées par les comités de citoyens. Dans le numéro 4 (juillet 1974) on trouve un article intitulé Qu’est-ce qu’un comité de travailleurs ? qui suit les leçons de la brochure Les comités de travailleurs : dépasser l’état actuel des choses produite par l’équipe de la revue marxiste-léniniste Mobilisation en 1973-1974. Ces mêmes travailleur·euse·s radicalisé·e·s perçoivent négativement les partis politiques qu’ils et elles jugent être « des partis de la petite-bourgeoisie préoccupés à se ramasser des votes plutôt qu’à apporter des solutions[46] ». Ils veulent plutôt construire une organisation proprement ouvrière et révolutionnaire : « il ne s’agit plus d’attendre des lois gouvernementales ou des partis existants les solutions à nos problèmes, nous devons créer notre propre organisation et amener nous-même nos solutions[47] ».



Luttes internationales, luttes locales
Dans les quartiers, en particulier à Montréal, la lutte continue. Des communautés immigrantes s’organisent à Montréal, par exemple au sein du Mouvement progressiste italo-québécois (MPIQ), présent surtout dans Villeray et Saint-Michel. Leur journal, Il Lavatore, est tiré à 3 000 exemplaires qui s’écoulent rapidement, car il est distribué aux portes[48]. Le quartier Saint-Michel compte son lot de groupes populaires, dont le Comité d’action politique, des organisations de locataires et des comptoirs alimentaires dont les activités sont rapportées dans le Bulletin du quartier Saint-Michel. La garderie populaire Saint-Michel y fait paraître son Manifeste en 1973, où elle dénonce le système capitaliste « qui exploite tous les travailleurs, mais particulièrement et doublement les femmes parce que ce sont elles que la société a chargées du soin et de l’éducation des enfants, en plus du travail ménager au foyer[49] ». En bâtissant une garderie populaire et coopérative, les militant·e·s souhaitent promouvoir le droit des femmes au travail et aux loisirs et leur permettre de s’engager dans la lutte sans être confinées à la maison. Tirant leur inspiration des crèches gratuites développées en Chine maoïste, ils et elles souhaitent que la garderie soit gérée par et pour les usager·ère·s, tout en donnant aux enfants une éducation progressiste et saine[50].
Les garderies populaires se multiplient entre 1972 et 1974 : 70 garderies populaires, dont une trentaine à Montréal, sont mises sur pied. Ces garderies, menacées de fermeture vers 1973 parce que le gouvernement fédéral arrête ses subventions, se battent pour leur survie et fondent le Comité de liaison des garderies populaires la même année. Le comité publie un journal appelé le Bulletin de liaison des garderies populaires et milite pour l’implantation au Québec d’un réseau gratuit de garderies. La clinique Saint-Jacques, animée par des militant·e·s proches d’En Lutte !, fait aussi un travail spécifique auprès des ménagères afin de les sortir de leur isolement ; elles sont plusieurs, par ailleurs, à s’impliquer au sein de la clinique[51]. Ces initiatives refusent l’étiquette de « féministe » pour se différencier des féminismes libéral et radical, mais œuvrent de manière concrète à l’éducation politique et à l’affranchissement des femmes des classes populaires dans une perspective révolutionnaire.

Campagne de boycott en soutien aux travailleurs agricoles de Californie, vers juin 1974 (Solidarité, vol.1, no.10).
La solidarité internationale est aussi importante durant ces années. Le coup d’État de Pinochet au Chili en 1973, qui renverse le gouvernement socialiste démocratiquement élu de Salvador Allende, suscite un mouvement de solidarité anti-impérialiste au Québec et la création en 1974 du Comité Québec-Chili[52]. Des délégations de mouvements de libération africains du Mozambique, d’Angola et d’Afrique du Sud sont accueillies par les militant·e·s d’ici[53]. À Montréal, une grande conférence en appui à la lutte du peuple vietnamien est organisée. La conférence, qui a lieu à l’UQAM, rassemble plus de mille personnes. Les ouvriers de l’usine Firestone participent à la conférence et proclament leur solidarité avec la lutte au Vietnam[54]. Enfin, de nombreux·euses Haïtien·ne·s s’organisent au sein de diverses organisations qui luttent à la fois contre la dictature de Duvalier et pour la défense des droits des travailleur·euse·s haïtien·ne·s au Québec. Ils créent de nombreuses organisations pour offrir des services à la communauté et entretiennent des liens avec les militant·e·s d’origine canadienne-française. En bref, les militant·e·s d’ici forgent, au cours de ces cinq années d’ébullition politique, des liens transnationaux avec les mouvements de lutte à travers le monde. Ils et elles joignent leurs voix et leurs initiatives pour dénoncer l’exploitation capitaliste et l’impérialisme.


À gauche, le Bulletin du Quartier Saint-Michel. À droite, une lutte victorieuse pour sauvegarder des logements dans le quartier Milton Parc, à Montréal (Source : Mémoire des montréalais).
Conclusion
L’intense période de lutte et de reconfigurations politiques entre 1970 et 1975 se clôt par deux phénomènes aux antipodes : la montée en puissance des nouvelles organisations marxistes-léninistes puis l’élection du Parti Québécois en 1976, qui bénéficie d’une popularité sans précédent au sein de la population, notamment laborieuse. Malgré les velléités révolutionnaires d’une partie du mouvement ouvrier, il reste que la majorité des forces présentes depuis les années 1960 considère que le Parti Québécois est la meilleure option pour progresser socialement. Après un deuxième front commun (1975-1976), les syndicats appuient le nouveau gouvernement de René Lévesque (PQ) élu en 1976[55]. La rupture est vite consommée entre les révolutionnaires marxistes d’un côté, et les nationalistes sociaux-démocrates de l’autre.
Après 1975, l’extrême gauche est dominée par le mouvement marxiste-léniniste. Les initiatives mises en place par plusieurs militant·e·s au cours des années 1970 se sabordent et rejoignent En Lutte ! ou la Ligue communiste. Plusieurs organisations trotskystes sont aussi très actives. Les militant·e·s marxistes restent présent·e·s au sein des mouvements syndicaux, en particulier dans les hôpitaux pour ce qui est des groupes maoïstes et dans le milieu de l’enseignement pour ce qui est des organisations trotskystes[56]. Ces mouvements auront le vent dans les voiles jusqu’au début des années 1980, quoiqu’ils s’affrontent souvent entre eux. Enfin, le ressac des années 1980, avec la restructuration néolibérale et le déclin du modèle chinois, finit par avoir raison de ces groupes. Malgré les conditions de plus en plus difficiles économiquement et le déclin des mouvements révolutionnaires à travers le monde, la solidarité internationale continue toutefois.
À partir de 1974, le gouvernement du Québec crée officiellement les CLSC. Plusieurs cliniques populaires rejoignent le réseau, d’autres négocient leur autonomie relative comme la Clinique Pointe-Saint-Charles. La clinique Saint-Jacques rejoint le réseau en 1982 seulement[57]. À partir du milieu des années 1970, plusieurs initiatives populaires sont d’une certaine manière « récupérées » par l’État de cette manière. Le financement des groupes populaires devient aussi beaucoup plus sélectif. Des organismes comme Centraide refusent de financer les projets plus radicaux ou qui visent à susciter une conscience de classe. Ce facteur entraîne à terme la disparition de certains groupes populaires, alors que d’autres choisissent de laisser de côté leurs revendications politiques pour s’assurer de pouvoir continuer à offrir des services[58].
En cinq ans, bien des choses ont changé dans le paysage politique au Québec. Les mouvements politiques radicaux sont passés d’une conception spontanéiste de la révolution qui glorifie la lutte armée à une perspective qui favorise le travail politique concret dans les quartiers et lieux de travail. Constatant le peu d’ancrage que les mouvements des années 1960 avaient dans la vie réelle des gens, les militant·e·s révolutionnaires se sont investi·e·s auprès des classes populaires, construisant avec elles une myriade d’initiatives locales ou nationales, tandis que les syndicats radicalisaient leurs perspectives. Le besoin de trouver un mode d’organisation et des cadres théoriques clairs et cohérents ont poussé une partie de la gauche révolutionnaire vers le marxisme-léninisme, tandis qu’à ses côtés grandissait l’appui pour le PQ, encore capable à l’époque de se présenter comme une alternative progressiste au statu quo. Pourtant, le mouvement ouvrier et révolutionnaire allait encore faire vibrer le Québec pour plusieurs années.





Les photos ci-dessus sont l’œuvre de Pierre Gaudard, qui a produit la série Les Ouvriers (1969–1971). On retrouve ses photographies dans la collection digitale du Musée des Beaux-Arts du Canada.
En haut, de gauche à droite : travailleur de la Canadian Steel Foundries de Montréal, I. Ouvrières de l’usine Eagle Toys à Saint-Henri en 1969, II, III.
En bas, travailleur de Seven-Up en 1970, IV et travailleur de Soma / Renault Saint-Bruno en 1970, V.
Notes
[1] Éthier, Piotte et Reynolds, Les travailleurs contre l’État bourgeois, 45.
[2] Rouillard, « Le rendez-vous manqué du syndicalisme québécois avec un parti des travailleurs », 176.
[3] Ariane Gagné, « Trois manifestes syndicaux CSN-FTQ-CEQ », À bâbord !, 51 (oct.-nov. 2013).
[4] Fédération des travailleurs du Québec, L’État, rouage de notre exploitation : documents de travail préparés par le service de recherche de la FTQ (Montréal : FTQ, 1971), 15.
[5] Ibid.,18.
[6] Éthier, Piotte et Reynolds, Les travailleurs contre l’État bourgeois, 97.
[7] Ibid., 103.
[8] Ibid., 105.
[9] Ibid.
[10] « Fidèle aux principes du deuxième front, la CSN, suivie d’ailleurs sur ce point par la FTQ et la CEQ, entendait maintenir la lutte syndicale sur le strict terrain économique et légal. Toute autre forme de lutte ayant des implications politiques et sociales était réservée à la pratique extra-syndicale, c’est-à-dire aux organisations de défense existant sur le front de la consommation. Cette séparation mécanique des aspects économiques et politiques de la lutte syndicale, ce cloisonnement entre les objectifs immédiats et tactiques de la lutte et les objectifs stratégiques et à plus long terme du mouvement syndical correspondent à une vision réformiste et social-démocrate du syndicalisme. Elles contribuent à encarcaner la lutte syndicale dans les règles de la légalité bourgeoise et à freiner le développement d’une réelle unité et d’une réelle solidarité entre les travailleurs à la base ». Ibid., 259.
[11] Ibid., 150.
[12] Beaudet, « La radicalisation des mouvements sociaux », 106.
[13] « Towards a Worker’s Movement: The Autonomous Left in Quebec », 48.
[14] « Le Front commun, à l’insu des directions syndicales, à cause des contradictions qu’il a nécessairement éclairées, a permis à ces couches progressistes d’amorcer une certaine prise de conscience sur la véritable nature de l’État, sur les limites de la lutte syndicale et, surtout, sur les limites du type de syndicalisme pratiqué par les directions des appareils syndicaux. » Éthier, Piotte et Reynolds, Les travailleurs contre l’État bourgeois, 178.
[15] Le jugement de l’Agence de presse libre du Québec (APLQ) est particulièrement sévère à cet égard : « Premièrement, si on veut être réaliste, il faut d’abord parler d’échec si on s’attache au renouvellement des contrats de travail des 210 000. Les travailleurs n’ont pas obtenu ce qu’ils voulaient et il est interdit de penser qu’ils l’obtiendront à moins d’un changement de gouvernement ; des dizaines ont été condamnés à la prison et le ministère de la Justice fait des enquêtes sur ceux qui ont violé la Loi 19 ; une loi anti-ouvrière les a obligés à rentrer au travail et elle ne sera pas abrogée bientôt d’après l’attitude du régime Bourassa… » Agence de presse libre du Québec, Ce n’est plus un début, le combat a commencé (Montréal : Les presses solidaires, s.d.), 39-41.
[16] Jacques Rouillard. « Histoire des travailleurs du Québec », L’Encyclopédie Canadienne, article publié le 17 décembre 2013 ; dernière modification 4 mars 2015. En ligne.
[17] Beaudet, On a raison de se révolter, 164.
[18] La grève de Firestone s’étend du 21 mars 1973 au 13 janvier 1974.
[19] « On voulait réunir les femmes séparément des gars pour qu’elles puissent parler librement sans être gênées par leur mari ou les farces des autres gars et parce qu’on voulait parler de leurs problèmes à elles. Quand on veut que des gars embarquent dans une grève on leur parle de leurs problèmes à eux autres et pas d’une grève qui se passe ailleurs. Quand on veut que des femmes règlent leurs problèmes de femmes de grévistes et appuient leur mari, il faut discuter de ce qui les touche de plus près. À partir de leurs suggestions, on a organisé des cours sur la situation des femmes et sur des sujets qui les touchaient de près, comme la contraception, en essayant de faire le lien entre l’oppression des femmes dans le système et celle des travailleurs […]. Même si les gars étaient heureux de cet appui, plusieurs comprenaient mal l’action et les cours organisés par le comité des femmes. Se battre contre des boss et critiquer leurs attitudes, ce n’est pas toujours suffisant pour se rendre compte qu’on joue parfois au boss dans sa propre maison. […] Elles ont permis à de nombreuses femmes de comprendre davantage leur situation et celle de leur mari, elles ont apporté un soutien à la lutte […] et elles ont constitué un précédent important pour toutes les femmes de grévistes ». Les gars de Firestone, La solidarité des gars de Firestone égale victoire. Historique, Joliette 66-74. (s.l. : 10 décembre 1974), 73.
[20] Les gars de Firestone, La solidarité des gars de Firestone, 1.
[21] La grève de la Canadian Gypsum s’étend de mai 1973 à février 1975.
[22] Debout face au mépris est disponible en ligne.
[23] « L’organisation et la lutte à Firestone », Mobilisation, 3, 2 (s.d.) : 36-40.
[24] Les gars de Firestone, La solidarité des gars de Firestone, 42.
[25] La grève de Canadian Steel Foundries s’étend du 28 septembre 1973 au 16 octobre 1973.
[26] Jacques Benoît, L’extrême gauche (Montréal : La Presse, 1977) 18-19.
[27] « La Steel après la lutte : sortir de l’isolement », Mobilisation, 3, 3 (s.d.) : 1.
[28] Des négociations avaient eu lieu en août 1973. La grève s’étend du 24 janvier 1974 au 20 mai 1975.
[29] Tricofil c’est la clef (François Brault, 1976) est disponible à la Cinémathèque québécoise, alors que Tissu d’espoir, (Ferrisson, 2016) est disponible en ligne.
[30] Beaudet, « La radicalisation des mouvements sociaux », 108.
[31] Boivin, Histoire de la clinique des citoyens de St-Jacques, 89. À l’automne 1975, le Mouvement révolutionnaire des étudiants du Québec (MREQ), la Cellule militante ouvrière (CMO) et la Cellule ouvrière révolutionnaire (COR) fusionnent pour former la Ligue communiste (marxiste-léniniste) du Canada (LCMLC) qui devient le Parti communiste ouvrier (PCO) en 1979. À ce sujet, on lira Bernard Dansereau « Une expérience de l’extrême gauche au Québec : le Parti communiste ouvrier », Bulletin d’histoire politique, 13, 1 (2004) : 25-35.
[32] Boivin, Histoire de la clinique des citoyens de St-Jacques, 89.
[33] Mobilisation, 3, 1 (s.d.), 3.
[34] Beaudet, « La radicalisation des mouvements sociaux », 108.
[35] Ce même groupe anime aussi la Librairie progressiste, rue Amherst (maintenant rue Atateken).
[36] La COR apparaît entre 1972 et 1974. Elle est composée d’anglophones et de néo-Québécois·e·s, surtout issus du quartier Saint-Henri à Montréal. Le MREQ est formé de 200 militant·e·s venant d’une scission du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) en 1972. Benoît, L’extrême gauche, 134 et 136.
[37] Le groupe Abitibi-Témiscamingue marxiste-léniniste rejoint la Ligue communiste (marxiste-léniniste) du Canada vers 1977. Ibid., 134.
[38] Le GMR est créé en 1972. Indépendantiste, il est surtout présent dans le mouvement étudiant. Ibid., 135.
[39] Le Groupe socialiste des travailleurs du Québec est créé en 1973. Il est surtout présent dans l’enseignement. Ibid., 135.
[40] La Ligue socialiste ouvrière est fondée en 1964, comme organisation parente de la League for Socialist Action. Ibid., 136.
[41] Les gars de Firestone, La solidarité des gars de Firestone, 67.
[42] « Entrevue avec le Comité de solidarité avec les luttes ouvrières », Mobilisation, 3, 8 (juin 1974) : 29.
[43] Charles Gagnon. Il était une fois… Conte à l’adresse de la jeunesse de mon pays (Montréal : Lux Éditeur, 2006), 24.
[44] Éthier, Piotte et Raymond, Les travailleurs contre l’État bourgeois, 261.
[45] L’unité, 1, 2 (26 avril 1974) : 2.
[46] L’unité, 1, 4 (3 juillet 1974) : 3.
[47] Ibid., 4.
[48] Le Groupe marxiste révolutionnaire est en contact avec le Mouvement progressiste italo-québécois. Alors que le GMR tente de développer une politique anti-impérialiste et antifasciste interethnique au sein des Comités ouvriers de Papineau et de Saint-Michel, ils invitent le MIPQ à se joindre aux CAP plutôt que de travailler séparément.
[49] « Manifeste de la garderie », Bulletin du quartier Saint-Michel, 1, 4 (s.d.) : 7.
[50] « Manifeste de la garderie », 8.
[51] Boivin, Histoire de la clinique des citoyens de St-Jacques, 138.
[52] Beaudet. On a raison de se révolter, 171.
[53] Ibid., 172.
[54] Ibid., 173
[55] Bernard Dansereau, « Le mouvement syndical et son rapport au politique », Bulletin d’histoire politique, 6, 2 (1998) » 133.
[56] Voir à ce sujet l’ouvrage L’extrême gauche de Jacques Benoit. Malgré son sensationnalisme, il fournit plusieurs informations factuelles sur la présence de l’extrême gauche dans les milieux de travail et liste toutes les organisations qui existent au cours de la décennie 1970.
[57] Boivin, Histoire de la clinique des citoyens de St-Jacques, 216.
[58] Marielle Désy, et al. La conjoncture au Québec au début des années 80 : les enjeux pour le mouvement ouvrier et populaire (Rimouski : La Librairie socialiste de l’Est du Québec, 1980), 164.