En 1969, le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau détermine une nouvelle politique envers les peuples autochtones du soi-disant Canada. Cette politique inique est présentée dans le Livre Blanc (officiellement La politique indienne du gouvernement du Canada – 1969) par le ministre des Affaires indiennes, Jean Chrétien. Le gouvernement cherche, ouvertement, à supprimer tous les droits collectifs des peuples autochtones ainsi que toutes leurs possessions collectives territoriales, par la suppression de tous les traités et des droits acquis des diverses nations. En échange, le gouvernement canadien offre de privatiser et de municipaliser l’ensemble des territoires des réserves et de faire des personnes autochtones « des citoyen.nes canadien.nes comme les autres ».
Immédiatement, les peuples autochtones de tout le pays se braquent contre cette politique qui a pour but explicite de les faire disparaître en tant que nations, pour faire d’eux une minorité culturelle comme les autres, sans droits particuliers. Plusieurs nations ne peuvent tolérer cette nouvelle attaque coloniale contre leurs droits imprescriptibles à leurs terres ancestrales et leur droit à l’autodétermination. Les peuples qui s’organisent d’abord sont ceux de la soi-disant Colombie-Britannique et de l’Alberta, rapidement rejoints par un puissant mouvement national. Des manifestations et des blocages sont organisés. En 1970, l’Indian Association of Alberta produit une réponse à cette politique : Citizens Plus (aussi connu sous le nom de Red Paper). Les chefs de l’Alberta y affirment clairement que « seuls les Autochtones et les organisations autochtones peuvent se prévaloir des ressources et des responsabilités susceptibles de leur permettre de déterminer leurs propres priorités et leurs stratégies de développement ». Les souverainetés de la Couronne et du gouvernement canadien y sont niées. La souveraineté unilatérale des peuples autochtones sur leurs terres et leur avenir y est affirmée. Les peuples autochtones de tout le Canada se coalisent autour de ce document.
Finalement, les luttes nationales autochtones auront raison de cette politique coloniale. Mais malheureusement, ces luttes n’auront pas raison du colonialisme de l’État canadien. Jean Chrétien déclare d’ailleurs au grand chef George Manuel, suite à la victoire contre l’imposition des politiques du Livre Blanc, qu’ « ils retirent le Livre Blanc, mais qu’ils le serviront de nouveau à la génération de chefs qui sera disposée à l’accepter ». De fait, encore à ce jour, c’est une telle politique que le gouvernement du Canada tente toujours officieusement d’imposer aux peuples autochtones ; une politique niant les droits collectifs et ancestraux des peuples autochtones et cherchant à atomiser ces mêmes peuples, à les dissoudre dans la masse des Canadien.nes, à les assimiler.
Pour mieux saisir le programme colonial du Livre Blanc et les luttes qui s’ensuivirent, et pour mieux saisir en quoi le Livre Blanc informe toujours les politiques coloniales de l’État canadien, on consultera avec profit le livre Peau rouge, masques blancs de Glen Sean Coulthard. Sur cette séquence des luttes autochtones, on peut aussi consulter l’excellent livre d’Arthur Manuel, Décoloniser le Canada (notamment le chapitre 3).
Enfin, il est très pertinent de consulter le journal The Indian News, publié à l’époque par des militant.es autochtones basés à Ottawa et relayant les luttes autochtones à travers le pays. Voici le numéro de juin 1970, qui couvre le lancement de Citizens Plus et la campagne entourant cet événement. On trouvera dans ce numéro une entrevue avec Harold Cardinal, leader de la fronde anti-gouvernementale (par ailleurs auteur de l’excellent livre The Unjust Society en 1969, dénonçant les crimes perpétrés par le gouvernement canadien à l’endroit des peuples autochtones).
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