Jacques Stephen Alexis est un militant communiste et écrivain haïtien. Devenu très célèbre en Occident pour ses œuvres littéraires, il fut aussi un organisateur politique de premier plan dans son pays comme à l’international. Nous présentons ici une brève biographie d’Alexis, suivie du texte Alexis Politique. Dans ce texte, le militant Max Chancy (au sujet de qui nous venons de publier un article) analyse la vie politique de Jacques Stephen Alexis et sa liaison organique avec les luttes communistes en Haïti durant les années 1950 ; Chancy trace ensuite des liens entre la vie d’Alexis et les luttes sociales d’Haïti dans les décennies suivantes.
Jacques Stephen Alexis naît aux Gonaïves en 1922. Comme son père est ambassadeur, il voyage beaucoup et étudie à Paris durant les années 1930. C’est pourtant à Port-au-Prince qu’Alexis effectue ses études universitaires de médecine. Polyvalent, Alexis commence à écrire dès ses années d’études ainsi qu’à faire du travail politique. Il devient rapidement un proche du grand poète et militant (fondateur du Parti Communiste d’Haïti en 1934) Jacques Roumain. L’année 1946 est décisive pour Alexis : leader des révoltes étudiantes qui mènent à la chute du président anti-populaire Élie Lescot, il sera dès lors une figure de proue du communisme haïtien. Il anime la même année l’influente revue révolutionnaire La Ruche. C’est aussi l’époque d’un séjour en prison pour Alexis et de l’exil forcé d’Haïti.
C’est une période faste d’activité sur tous les plans qui s’ouvre alors pour Jacques Stephen Alexis. Il multiplie les rencontres politiques, que ce soit chez les communistes français (Louis Aragon) ou hors de l’Occident, en Europe socialiste, en URSS et jusqu’en Chine. Alexis développe aussi des contacts nécessaires avec le mouvement de la Négritude (Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor). Au même moment, en 1955, Alexis publie son premier roman, remarquable Compère Général Soleil. Ce roman, comme toute l’œuvre d’Alexis, est une ode remarquable à la beauté et à la force du petit peuple d’Haïti. C’est surtout un roman foncièrement révolutionnaire et anti-impérialiste – seule manière dont Alexis veut concevoir sa vie et son peuple. L’année suivante, Alexis participe au premier Congrès des écrivains et artistes noirs, où il présente sa vision de la littérature haïtienne, politique et populaire. Et dès 1957, avec l’arrivée au pouvoir de François Duvalier, il devient un opposant en vue du dictateur.

La vie politique et l’œuvre d’Alexis sont profondément liées. Ainsi, l’imaginaire politique cher à Alexis est influencé par un certain merveilleux de la tradition haïtienne, alors que son travail politique (marxiste-léniniste) reste très proche des préoccupations réelles des plus démuni.es : ouvriers de la canne à sucre, journaliers, prostituées… C’est eux et elles qu’Alexis met en scène dans ses livres et qu’il cherche à servir par son implication politique.
Car par-delà les discours, Alexis choisi toujours la pratique politique. C’est ainsi qu’il a fondé à la fin des années 1950 le Parti d’Entente Populaire, parti communiste au service du peuple d’Haïti. Ce parti doit organiser la lutte contre la dictature de Duvalier et l’instauration d’un régime de paix et d’égalité en Haïti. Pour appuyer la lutte des Haïtien.nes, Alexis se rend à Moscou (où des représentant.es de 81 partis communistes appuient la lutte populaire contre la dictature de Duvalier) ainsi qu’à Pékin, où il rencontre Mao Tsé-Toung qui lui aussi appuie la démarche d’Alexis.
Après avoir financé et fourni en matériel ses camarades en lutte restés en Haïti, et après avoir fait connaître la cause haïtienne à travers le monde, Jacques Stephen Alexis décide de retourner combattre lui-même en Haïti. Il débarque dans l’île en avril 1961. Trahi, il est immédiatement assassiné, lui le militant communiste venu défier l’ordre fasciste d’Haïti, valet de l’impérialisme américain.
La vie d’Alexis continue après sa mort. Ses œuvres continuent à inspirer des générations d’Haïtien.nes qui se politisent à leur contact. Son travail politique mènera à l’union des partis communistes d’Haïti en 1969 et les thèses politiques qu’il avait avancées permettront au mouvement communiste de se fortifier. Le mouvement unique de son existence, la lutte au service du peuple d’Haïti, continue par-delà son assassinat.

Dans son texte Alexis Politique de 1982, Max Chancy se consacre à une analyse plus approfondie de la vie politique de Jacques Stephen Alexis. Chancy y analyse les épisodes importants de la vie d’Alexis et des luttes politiques d’Haïti. Il expose les liens organiques entre la vie d’Alexis et les événements politiques, analyse les thèses d’Alexis et leur influence, propose une lecture de l’héritage d’Alexis et donne une vue d’ensemble des luttes communistes en Haïti de 1946 aux années 1970. Chancy, lui-même impliqué dans ces luttes, parle de cette époque avec clarté et intelligence. Ce texte figure en annexe du petit livre Max Chancy (par Adeline Magloire Chancy, 2007) dont nous avons publié un autre texte, Un cercle qu’il faut briser.

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