En 1968, les autorités canadiennes imposent un péage aux Kanien’kehá:ka (Mohawks) de la communauté d’Akwesasne qui désirent traverser le pont de Cornwall, un pont qui relie le soi-disant Canada aux soi-disant États-Unis. Elles imposent aussi des taxes douanières sur les biens rapportés des États-Unis par les Kanien’kehá:ka. Le hic, c’est que le territoire d’Akwesasne s’étend de l’État de New York aux provinces du Québec et de l’Ontario – il est donc coupé par deux frontières coloniales qui le séparent arbitrairement. Cette imposition de taxes douanières par le Canada constitue une violation de plusieurs traités et accords, dont le Jay Treaty de 1794, qui garantit pour toujours le libre-passage entre le Canada et les États-Unis aux Kanien’kehá:ka.

La communauté d’Akwesasne décide donc de bloquer l’accès au pont transfrontalier en décembre 1968. Ils et elles signifient ainsi leur intention de ne jamais payer de taxes à la frontière canado-américaine qui sépare leur territoire et réclament le respect du Jay Treaty. Même si la police intervient rapidement pour essayer de déloger les manifestant.es (avec difficulté), la lutte s’avère au final victorieuse – les habitant.es d’Akwesasne n’auront pas à payer de frais pour se déplacer sur leur territoire.
Cette lutte est une des premières confrontations « modernes » entre les peuples autochtones et les autorités coloniales en Amérique du Nord. Elle est significative des luttes pour l’espace que mènent les communautés autochtones depuis les années 1970 (par exemple l’occupation d’Alcatraz en 1970 ou la bataille de Wounded Knee en 1973).

Le cas ira en cour puisque beaucoup de militant.es seront accusé.es de diverses offenses criminelles par la « justice », dont la militante Kahn-Tineta Horn de Kahnawà:ke, connue pour son implication politique depuis plus de 50 ans (à la rédaction d’Akwesasne Notes, dans les activités traditionalistes en collaboration avec Louis Karoniaktajeh Hall et lors de la « Crise d’Oka », notamment). Elle est arrêtée lors de l’occupation puis accusée d’obstruction au travail de la police et de possession d’arme, des charges pour lesquelles elle est finalement acquittée puisqu’elles constituaient une grossière exagération de la réalité.
La contre-attaque juridique de Kahn-Tineta Horn, qui intente une poursuite contre un officier de police qui l’a attaqué durant l’occupation du Seaweay International Bridge est malheureusement rejetée (article ci-dessus).
Un autre procès a lieu sur le fond de l’affaire (sur les taxes que les Mohawks « devraient » payer). Le procès est gagné par les habitant.es d’Akwesasne sur la base du Jay Treaty. Les preuves apportées en cour par ceux et celles-ci pour défendre leur cause feront aussi en sorte de mettre en lumière d’autres traités et accords qui permettaient aux habitants et habitantes d’Akwesasne de circuler librement sur leur territoire – comme un accord de 1933 signé avec la Cornwall-Northern New York Bridge Company, qui incluait le droit de circuler librement sur le pont (dans les mêmes termes que ceux du Jay Treaty).

Nous présentons ici le documentaire You Are On Indian Land (1969) de Mike Kanentakeron Mitchell, réalisateur et militant mohawk, qui relate les évènements de l’occupation. Le film, qui a beaucoup circulé, ainsi que la lutte de 1969 participent à la formation d’une nouvelle vague de militant.es autochtones dans les années 1970. Le film est notamment projeté durant l’occupation d’Alcatraz en 1970 et plus récemment durant l’occupation de 2009 dénonçant les abus commis par les gardes frontaliers canadiens à l’encontre des Mohawks d’Akwesasne lorsque ceux-ci se déplaçaient sur leur territoire.
Les informations de cet article sont tirées des premières pages du livre God Is Red (Vine Deloria Jr., 1972), du documentaire lui-même et de divers articles en ligne.
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