Le collectif Anarchives a été créé en 2013 à Montréal, dans l’objectif de rendre compte de l’histoire des mouvements contestataires et révolutionnaires au Québec. Par le travail de mémoire et à travers la mise en valeur d’artéfacts militants, il a cherché à réactiver en nous la pratique révolutionnaire : « En fouillant les archives, ce n’est pas à un groupe, à une idéologie ou à un événement particulier que nous voulons rester fidèles, mais à ce qui du passé nous appelle. Ses formes, actions et écrits portent la trace de l’esprit et des volontés qui les ont animés, et dont l’expérimentation interpellait celles à venir. Si nous avons l’impression de revivre sans cesse la bataille de Saint-Denis et la grève d’Asbestos, c’est que le présent est le champ des batailles passées, où les victoires sont autant de sursis et les défaites des invitations à être retentées. C’est bien connu, on ne fait de l’histoire qu’en la faisant : ces archives nous tiennent parce qu’elles nous engagent à l’action, maintenant. »
Le travail archivistique du collectif s’est échelonné de 2013 à 2019, malgré qu’il ait poursuivi ses réflexions et son travail militant dans les années suivantes. Puisque Archives Révolutionnaires s’inscrit en continuité avec la mission d’Anarchives, nous rendons disponible sur notre site web leurs expositions virtuelles, dont Transnational 1968 (créée en 2018) et l’exposition ci-dessous.
L’exposition Séparation ÷ 2 (créée en 2016) se veut une réflexion historique et théorique sur deux séparatismes présents au Québec, celui des francophones et celui des peuples autochtones. Ces deux mouvements, parfois parallèles, parfois en chassés-croisés, parfois en confrontation, éclairent l’histoire des luttes d’ici. La présente version de l’exposition est légèrement modifiée en regard de l’évolution de nos recherches dans les dernières années.
SÉPARATION ÷ 2
De deux séparatismes, l’un : blanc-bec du Québec, qui de tricoté serré en terroir, s’en va en beau joual vert, frustré qu’il est d’un pays pour le monde, jusqu’à ravir des ministres et les asseoir en coffre de chars.
Et l’autre : anishinabé ou onkwehonwe, peuples premiers, décimés par intoxication, spoliation et acculturation, mais d’autant plus résolus à reprendre leur dû sur l’île de la Tortue, de blocages de sentiers en caporaux Lemay.
À partir de documents d’époque, le collectif Anarchives met côte à côte, face à face et dos à dos ces séparations divisées qui mettent à mal l’unité nationale.
LIEUX COMMUNS
Québec
Le séparatisme québécois se sépare, entre autres, sur la question de la séparabilité du territoire. D’un côté, la tendance électorale, d’abord incarnée par le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) puis par le Parti Québécois (PQ), s’inspire du centralisme français, contre l’esprit « communautariste » du Commonwealth britannique. Le basculement du centre de gravité idéologique sur la métropole parisienne entraîne ce souverainisme québécois à reprendre pour son compte la devise d’une nation indivisible, en cela farouchement opposée à toute séparation ultérieure.
D’un autre côté, par contre, il y a eu tous ces groupes qui ont refusé de remettre la souveraineté aux mains de l’éventuelle fondation d’une république constituante, préférant une réalisation immédiate de l’indépendance dans une perspective révolutionnaire et socialiste, avec les moyens du bord. Le FLQ, notamment, dans le cadre sa campagne de l’été 1970 pour sortir le séparatisme de son isolement insulaire à Montréal, a réalisé une véritable extension tentaculaire d’espaces sécessionnistes, que ce soit à la ferme du Petit Québec libre (Cantons-de-l’Est), à la Maison du pêcheur (Gaspésie) ou dans une myriade d’autres lieux collectifs parsemés sur le territoire.
Ces espaces servaient à la fois de points de contact et de propagande auprès des populations défavorisées par l’économie coloniale, et de lieux de rassemblement pour toute une jeunesse effervescente, en quête de subversion festive. Les Comités d’action politique (CAP), qui s’étaient installés dans une bonne partie des quartiers de Montréal, visant la prise de territoires et de ses leviers économiques et sociaux, étaient aussi liés aux « communes révolutionnaires » des campagnes.
Après la Crise d’octobre 1970, la répression des zones de luttes qui s’étaient créés autant en milieu rural qu’en zone urbaine laisse place à l’éclosion d’un vaste réseau de communes, où le partage de moyens matériels et économiques se perpétue, dans une ambiance néanmoins résolument convertie de la politique indépendantiste à la sous-culture hippie. Sur un autre plan, le mouvement se réorganise selon des perspectives socialistes, dans les syndicats ou des organisations marxistes-léninistes.
Le Petit Québec libre, Manifeste, 1970.
En 1970, le Quatuor de jazz libre du Québec acquiert, via les réseaux felquistes, une ferme dans les Cantons-de-l’Est qui devient le lieu de rencontres foisonnantes entre politique et contre-culture, jusqu’à ce que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) y provoque un incendie en 1972.


Communes dans Lanaudière. Extrait de la revue Mainmise, été 1978.
Le mouvement des communes et des coopératives prend son essor dans les années 1970, constituant un véritable réseau de vie collective à la campagne. Ce réseau, de plus en plus contre-culturel, existe en parallèle des organisations politiques classiques.
Maison du pêcheur. Photographie, été 1969, Percé.
Lancée par des militants du FLQ – dont on distingue Paul Rose en avant plan – l’expérience tumultueuse de la Maison du pêcheur est marquée par le lien avec les travailleurs et les jeunes de la Gaspésie, mais fait face aux attaques de la police et de riches propriétaires de campings dans les environs. En se rapprochant des pêcheurs gaspésiens, elle visait à exporter la Révolution hors de Montréal.


Le Village du Carré Saint-Louis. Couverture, vol.2, no.1, 11 mars 1970
La population étudiante contestataire du Montréal d’alors se concentre beaucoup dans le quartier du carré Saint-Louis, haut lieu de la vente de drogue. Un bulletin bimensuel sera produit pour donner des nouvelles de la vie du quartier, à l’imprimerie du coin. On y parle politique, indépendance et contre-culture.
Autochtones
Du point de vue autochtone, la question du territoire implique un conflit fondamental avec la conception européenne d’une souveraineté nationale délimitée par des frontières étanches. Parmi les centaines de peuples qui vivaient, souvent de manière nomade, sur l’île de la Tortue, l’identité était partagée entre une appellation générique comme « êtres humains » (onkwehonwe en langue iroquoienne et anishinabe en algonquin) et un nom directement lié au territoire (Kanienke’haka pour « ceux de la terre du silex », Onöndowága pour « ceux des collines », etc.). Ainsi ces peuples entretenaient un rapport distinct aux territoires, tout en ayant une conception différenciée de celle des Européens quant à la propriété privée. Dès leur arrivée, les Européens tentent de remplacer ces appellations territoriales par des noms propres de nations, divisant les Anishinabés en une multitude de races, Outaouais, Potawatomis, Mississaugas, Ojibwés, etc. – et tirent avantage des différends entre peuples, les entremêlant aux conflits entre les empires coloniaux.
C’est pourquoi la résistance autochtone a souvent pris la forme d’une transgression des frontières dessinées par les empires européens, notamment par la pratique de l’occupation et la réappropriation de terres. Depuis l’occupation du parc national de la Pointe-Pelée en 1922, les Premières nations n’ont jamais cessé d’appuyer, voire de réaliser leurs revendications territoriales par des prises de territoire.
En 1969, l’occupation du pont frontalier d’Akwesasne, réserve mohawk stratégiquement divisée entre les États-Unis, le Québec et l’Ontario, a lancé le mouvement séparatiste iroquois sur une stratégie autonomiste qui aboutira à la reprise, armes à la main, d’un vaste camp de vacances abandonné à Moss Lake, dans l’État de New-York, en 1974. Rebaptisée Ganienkeh, cette terre sera déclarée territoire indépendant auprès des Nations Unies, au prix de grandes tensions avec des groupes suprématistes blancs locaux, dont des échanges de coups de feu. Cela n’empêchera cependant pas Ganienkeh de continuer à exister jusqu’à nos jours.
De l’occupation du Anishinabe Park par l’Ojibway Warrior Society en 1974 au blocage du développement immobilier à Caledonia, près de la réserve de Six Nations, en 2006, en passant par les crises d’Oka, Ipperwash ou Gustafsen Lake, c’est toujours la question de l’appropriation et de l’usage du territoire qui est en litige dans les affrontements les plus tendus avec la police coloniale.
Anishinabe Park. Kenora, Ontario, 1974.
En juillet 1974, l’Ojibway Warrior Society entreprend une occupation dans le parc Anishinabe, qui avait été vendu à la ville de Kenora par le gouvernement fédéral sans le consentement des Autochtones, en 1959. Pour près d’un mois, plus de 150 Autochtones, dont plusieurs armés de fusils et de bombes artisanales, affrontent les forces coloniales.


Defend, support Ganienkeh. Affiche pour une campagne internationale de dons, 1974.
La réappropriation d’un ancien camp de vacances pour filles fortunées, près de Moss Lake dans l’État de New-York, attire des centaines de Mohawks pour refaire leur vie dans un cadre traditionnel. Au début des années 1980, des négociations avec le gouverneur de l’État, Mario Cuomo, mèneront les Mohawks à obtenir une autre terre près de Plattsburgh.
Ganienkeh Manifesto. Manifeste adressé à l’ONU, 1974.
Si les gouvernements coloniaux font tout pour oublier l’illégalité de leur vol des terres autochtones, ces derniers s’adressent souvent aux instances internationales pour faire reconnaître leurs droits ancestraux.


Occupation du Bureau des affaires indiennes, à Washington. Photo, 1972.
Après avoir fait le tour des États-Unis dans le cadre du Trail of Broken Treaties, un groupe d’environ 500 Autochtones de l’American Indian Movement (AIM) se rassemble au Bureau of Indian Affairs, dans la capitale américaine. Ils y resteront plus d’une semaine, causant près d’un million de dollars en dommages.

Caledonia. Photo, 2006.
La construction d’un important développement immobilier à Caledonia, sur des terres réclamées par la réserve de Six Nations, près de Brantford, en Ontario, cause une gronde immense. Un appel est lancé pour occuper le terrain contesté, et des milliers d’Autochtones érigent des barricades. Après de violents affrontements, le projet est abandonné.

Occupation du pont frontalier international d’Akwesasne, 1968. Images tirées du film You are on Indian Land, de Micheal Kanentakeron Mitchell, 1969, ONF.
La réserve d’Akwesasne, Saint-Régis de son nom colonial, est divisée entre le Québec, l’Ontario et les États-Unis, ce qui complique grandement les déplacements de ses résidents. En 1969, ils ont entrepris le bloquer son pont frontalier, relançant une intense vague de contestation dans les territoires mohawks.
RESSOURCES INHUMAINES
Québec
C’est bien connu, la résurgence du souverainisme québécois coïncide avec l’entreprise de rénovation institutionnelle, politique, culturelle et économique qu’on appelle la Révolution tranquille. Ce projet, à l’origine, lie largement l’intelligentsia progressiste, comme en témoigne la proximité de certaines figures-clés du mouvement souverainiste et libéral au début des années 1960 – le felquiste Pierre Vallières et le futur premier ministre Pierre Elliot Trudeau écrivant tous deux dans la revue Cité Libre –, mais leur relation était à l’origine des plus ambiguës. L’insistance, en l’espèce, de la revue Parti Pris sur la nécessité de laïciser l’État québécois la positionne dans une alliance de fait avec les colombes du parti libéral, dressés tous deux contre le clergé conservateur. Mais la question du séparatisme aura tôt fait de les repousser aux antipodes de l’échiquier politique. Une certaine tendance, dans les années 1960, à concevoir le rattrapage du Québec à l’égard des autres pays occidentaux comme un passage obligé, a cependant continué de réunir les grands partis politiques (Union nationale, Parti libéral, Parti québécois), quitte à entrer en conflit avec les populations autochtones.
Ce phénomène relève du caractère développementaliste commun aux nationalismes québécois et au libéralisme canadien, à une époque où la critique de la société industrielle restait très minoritaire. La nationalisation de l’électricité, sous le slogan « Maître chez nous ! », tout comme la réalisation de chantiers hydroélectriques massifs (Baie-James, Manic 5, etc.), s’inscrit par ailleurs dans la conception selon laquelle la modernisation est essentielle à l’émancipation (sociale et nationale). Le contentieux entre les partis semble plutôt porter sur la question de la redistribution des richesses issues de l’exploitation des ressources, alors que Maurice Duplessis n’hésitait pas à les brader aux Américains. À l’exception des quelques épisodes où le mouvement syndical – malgré l’intérêt certain qu’il portait au développement – a pu suspendre, retarder, voire saccager les infrastructures extractives (grève d’Asbestos, destruction du chantier de la Baie James en 1974), le progressisme technique a fait l’objet d’un singulier consensus au Québec, offrant aux uns comme aux autres le rêve d’un « New Deal » pouvant régler le problème de la jeunesse chômeuse excédentaire, dans la perspective du plein emploi.
Maîtres chez nous, affiche du Parti libéral, 1962.
C’est Jean Lesage, lors de la campagne électorale de 1962, qui lance ce slogan à saveur nationaliste. La nationalisation de l’électricité est alors un enjeu majeur et le slogan réussit à associer ferveur nationale, développement et modernisation.


Projection d’un film promotionnel montrant le progrès du chantier de la Baie-James.
Annoncé par Robert Bourassa en 1971, le « projet du siècle » devait venir répondre aux problèmes du chômage et fournir en électricité les nouvelles industries. Rapidement contesté par les Cris, le projet devient l’emblème de la résistance des Autochtones du Nord.
La plus grande mine d’or au Canada. Malartic, Abitibi-Témiscamingue.
Au Québec, l’économie de régions entières tient sur l’extraction. Au cours des années 1930, dans le contexte de la crise économique, une cinquantaine de familles partent de Montréal vers l’Abitibi-Témiscamingue pour extraire les ressources – bois et minerai – de ce territoire anishinabé, bientôt rejointes par des travailleurs d’Europe de l’Est. Le Canada est le chef de file mondial dans l’industrie minière, faisant notamment des ravages dans les territoires autochtones d’Amérique latine.


Nouveau-Québec, La Presse, 23 mai 1912.
En 1912, le Parlement canadien transfère le district d’Ungava à la province de Québec, après que le Dominion du Canada l’ait acheté à la compagnie de la Baie d’Hudson. Si le Québec double son territoire administratif, bien peu de Blancs s’y aventureront avant les années 1960.
Grève de l’amiante. Photo d’un camion de vivres du CTCC, 1949.
Quand la grève d’Asbestos éclate, en février 1949, les demandes sont simples : une augmentation de 15 cents de l’heure du salaire horaire et l’élimination de la poussière d’amiante sur les lieux de travail. Mais lorsque la Johns-Mansville engage des briseurs de grève, les grévistes ripostent et barrent les voies d’accès à la ville. En prônant la tempérance face aux grévistes, Pierre Elliot Trudeau lancera sa carrière politique.


Faire le plein d’emplois. Congrès de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), 1983.
Renouant avec le syndicalisme d’affaires et le principe de la concertation à la fin des années 1970, la FTQ lance son Fonds de solidarité en 1983. Il vise à investir dans des entreprises québécoises afin de préserver des emplois, dans le contexte de la récession. Le Fonds de solidarité est aujourd’hui un investisseur majeur dans les infrastructures extractives, détenant notamment plus de 16 % des parts du plus grand pipeline aux USA, le Colonial pipeline.
Autochtones
À bien y regarder, le développement des infrastructures représente un moyen par lequel les Européens ont pu triompher des Autochtones d’Amérique. Au prix de la mort de 90 % des Autochtones dans les premières 300 années de la colonisation, le continent s’est vu traversé par les rails, puis asphalté d’un océan à l’autre, en découvrant sur le chemin des ressources autrefois insoupçonnées. Dans le cas paradigmatique des Métis du Nord-Ouest, par exemple, l’insurrection n’a pu être matée que lorsque le chemin de fer du Grand Tronc a permis d’y acheminer une quantité suffisante de troupes canadiennes.
Or, si cette hécatombe a principalement considéré le mode de vie des indigènes d’Amérique comme un obstacle au développement capitaliste, c’est sans doute parce que celui-ci présente de profondes incompatibilités avec celui-là. Le mode de vie semi-nomade, tout particulièrement, suppose une religiosité « animiste », où les être humains doivent entretenir des échanges « diplomatiques » avec les esprits animaux afin que les proies acceptent de s’offrir à eux. D’où le caractère profondément spirituel de la résistance autochtone au développement industriel – dont la résistance au pipeline DAPL à Standing Rock offre un exemple frappant –, et qui ne cède en rien au chantage du développement.
D’un autre côté, que ce soit par leur dispersion dans des territoires éloignés voués à l’extraction ou par une stratégie coloniale consciente de division des territoires, les réserves autochtones servent souvent de point de passage pour quantité d’infrastructures. La réserve mohawk de Kahnawake, par exemple, est traversée autant par des autoroutes que la voie maritime du Saint-Laurent, des lignes haute tension, des ponts et des chemins de fer. Il n’est donc pas étonnant que la résistance indigène a tôt fait d’adopter la tactique du blocage de ces voies de communication. Le blocage représente certainement la tactique la plus répandue parmi les luttes autochtones contemporaines. Il ne se passe pas une année sans qu’un blocage de chemin forestier vienne compromettre une mine à ciel ouvert ou des coupes forestières en territoire innu, attikamekw, cri ou algonquin. Sur ces vastes terres où l’homme blanc n’apparaît que pour piller les ressources sans compter les dégâts, le spectre des résistances autochtones pèse lourd sur des infrastructures cruciales. Ainsi les Cris ont pu bloquer pendant de longues années le projet pharaonique du barrage de la Baie-James, et les Innus ont pu mettre un frein aux vols à basse altitude des chasseurs de l’OTAN en occupant le tarmac de la base militaire de Goose Bay, au Labrador. C’est que, comme le disait Karionaktajeh, le théoricien fondateur de la Mohawk Warrior Society, « davantage de technologie signifie davantage de points faibles pour les grandes puissances. »
Joaniapik Uqaittuk. Tiré du livre Les Inuits dissidents à l’entente de la Baie James, 1983.
La résistance autochtone à la Convention de la Baie James – qui cédait au gouvernement québécois un territoire de plus de 170 000 km² – entraînera notamment les communautés inuit de Puvirnituq et d’Ivujivik à se retirer du processus et à fonder le mouvement Inuit Tungavingat Nunamini.


Voie maritime du Saint-Laurent. Photo, 1962.
L’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent a entre autres coupé l’accès de Kahnawake au fleuve, source de subsistance et moyen de transport. La création de cette voie maritime, destinée au transport international des marchandises, a aussi nécessité l’expulsion de plusieurs familles de la ville voisine de Sainte-Catherine.
Mort de caribous. Extrait d’un reportage de Radio-Canada, 1984.
En 1984, plus de 9600 caribous sont retrouvés morts le long des berges de la rivière Caniapiscau, dans la baie d’Ungava. Selon les Cris, les barrages d’Hydro-Québec sont responsables de ce désastre à cause des déversements d’eau depuis les bassins de rétention.


Barriere Lake. Camp sur la route 117.
Les Algonquins du lac Barrière, dans le parc de la Vérendrye, tiennent une vigile pour empêcher les compagnies minières d’installer leurs activités sur leur territoire. En 2008, la Sûreté du Québec (SQ) est intervenue avec violence pour mettre fin au barrage sur la route 117 qui visait à dénoncer les projets de mines et les coupes a blanc.
Arrivée des ouvriers du chemin de fer sur la Baie-James. Photo, 1915.
La portion du territoire de la Baie-James au nord de l’Ontario, comme beaucoup de territoires plus à l’Ouest, ont été appropriés par la Couronne suite à des traités à numéros, souvent signés sous la menace militaire. Ici, le traité no. 9 avait été précédé par l’arrivée du chemin de fer Canadien Pacifique.

NOUS LA LANGUE
Québec
Au début des années 1960, les tensions sont fortes entre francophones et anglophones au Québec. Au départ, la lutte des francophones pour leur langue contre la bourgeoisie anglophone recoupe le conflit entre le travail et le capital. L’anglais, langue de l’argent, du travail et de la business, est attaquée comme incarnation de la puissance économique. À l’opposé, le parler québécois est célébré comme langue des prolétaires et des insoumis.
La séparation est claire : le français comme langue du colonisé, et l’anglais comme langue du colonisateur. L’affaire de l’ignoble Donald Gordon le démontre bien : alors PDG, il déclare le 19 novembre 1962 que l’absence de francophones dans son administration s’explique par leur incompétence. La colère éclate trois jours plus tard, lors d’un défilé organisé à Montréal pour commérer le 125e anniversaire de la bataille de Saint-Denis, à la fin de laquelle l’Union Jack et une effigie de Gordon sont incendiés.
Le droit à parler français au travail traverse alors tous les conflits syndicaux, dont la vaste majorité des ouvriers sont francophones. Sous les cendres du Canadien français soumis doit émerger un Québécois maître de son destin. Mais l’enjeu se transforme peu à peu en débat pour une gestion du capital « en français SVP ! ». La langue du patron est en passe de changer : on sera bientôt capables de donner des ordres « dans sa langue ».
La ligne de fracture linguistique donne naissance à l’ouverture d’un front culturel : l’appel pour une littérature québécoise, et non plus canadienne française, par la revue Parti Pris. Ainsi la politique anticoloniale et l’action culturelle se trouvent liées dans un même mouvement de contestation, où le joual est à l’honneur. La poétesse Michèle Lalonde se trouve à l’avant-garde d’un renouveau littéraire qui exige une transformation culturelle et sociale. C’est pourquoi l’événement culturel marquant Chants et poèmes de la résistance en 1968 et 1969 est organisé en solidarité avec les felquistes Pierre Vallières et Charles Gagnon.
Alors que le Québec se trouve en plein chantier keynésien pour parsemer le territoire de béton, de barrages et d’écoles, le conflit linguistique infiltre l’enseignement. La grève étudiante de 1968 et l’émeute du mouvement McGill français exigent toutes deux une université francophone. La crainte de l’anglicisation du quartier Saint-Léonard débouche sur le Bill 63, première loi linguistique, qui sera contestée violemment lors d’un affrontement sur la colline parlementaire en 1969.
La Crise d’octobre marque un nouveau tournant. Les revendications linguistiques prennent de plus en plus l’allure d’un nationalisme convenu. Le « si t’es pas content, ben câlisse ton camp en Ontario » des nationalistes s’oppose alors de plus en plus au « se faire fourrer en anglais ou en français c’est la même crisse d’affaire » prônée par la gauche marxiste-léniniste. La loi 101 du premier gouvernement péquiste marque la fin légale du conflit.
Salut au drapeau. Poème-affiche de Michèle Lalonde, 1974.
La poétesse québécoise Michèle Lalonde, connue pour ses textes nationalistes et sa participation aux nuits de la poésie, critique ici le drapeau québécois comme fruit du conservatisme et de la victoire des ultramontains.


Rassemblement souverainiste.
Pouvoir travailler et vivre en français devient l’objet d’une lutte intense tout au long des années 1960. La lutte devient massive lors de l’adoption du Bill 63, qui accorde le libre choix de la langue d’enseignement. Syndicats, étudiants et organisations indépendantistes multiplient alors les actions et les manifestations, qui déboucheront bientôt sur la célèbre loi 101.
McGill français. Émeute de l’Opération McGill, 1969.
Photo de la manifestation Opération McGill du 28 mars 1969 qui permet la rencontre entre nationalistes et marxistes dans une opposition à ce « symbole du colonialisme anglo-saxon », en exigeant une université francophone. Ce grand rassemblement qui se transforma en émeute, fut rebaptisé a posteriori « McGill français ».


Je vote pour le Québec français. Livre du Mouvement Québec français.
Le Mouvement Québec français (fondé en 1972) affirme dans son manifeste de 1973 « qu’il est impérieux de mettre l’État québécois au service de la majorité ».
Émeute de la Saint-Jean. Photo, 1968.
Avant de devenir la « Fête nationale » cautionnée par l’État, la Saint-Jean-Baptiste donnait lieu à des débordements dans les années 1960-1970. En 1968, Pierre Elliot Trudeau avait reçu un œuf en pleine poitrine et 123 personnes avaient été blessées par la bataille subséquente, dont 42 policiers.

Autochtones
Dès le XIXe siècle, les langues autochtones sont interdites par l’administration publique canadienne. Avec elles, c’est l’ensemble des cultures autochtones qui sont déclarées indésirables, d’un océan à l’autre. De même, les institutions autochtones comme la Confédération iroquoise sont constamment menacées par des raids de la police fédérale.
Pour réaliser l’appropriation intégrale du territoire et s’assurer l’assimilation des peuples, le gouvernement canadien a vu la dissolution des langues autochtones comme une priorité. Pas étonnant, quand on sait que ces langues, ancrées dans leurs territoires, incarnent une rupture avec la logique d’exploitation coloniale. Les langues autochtones sont des réservoirs décisifs de visions du monde : des manières d’être et de faire. C’est pourquoi l’enferment des enfants autochtones dans des écoles résidentielles concrétisait une véritable guerre d’extermination contre ces mondes.
Contre la politique coloniale du Canada, la survie de ces langues et cultures a été à la fois le propulseur et l’enjeu des luttes de résistance. Propulsé par une prise de contact avec sa culture ancestrale, l’artiste Karionaktajeh (Louis Hall), de Kahnawake a peint un triomphalisme autochtone se libérant de ses chaînes. De même, c’est pour défendre l’inséparabilité entre leurs pratiques ancestrales de pêche et leur langue que les Mi’kmaqs de Restigouche ont résisté aux assauts de la Sûreté du Québec en 1982.
La vague de résistance autochtone des années 1960 et 1970 n’est donc pas pensable sans son processus de recherche et de réactivation de traditions, de langues et de pratiques propres. La mise en place d’écoles autochtones par l’American Indian Movement aux États-Unis est un exemple de cette association entre culture et résistance. De même, les tentatives ici au Québec de mise en place d’un cégep autochtone et d’une commission scolaire inuite incarnent une tentative d’autonomisation.
La reconnaissance aujourd’hui accordée aux formes culturelles autochtones dans l’espace public doit être pensée en relation avec ces coups d’éclats flamboyants de résistances autochtones armées. En effet, c’est après Oka que les pow-wows sont devenus si populaires auprès des non Autochtones, en tant que lieu de rencontres interculturelles. À la question « Est-ce que la ligne de fracture opposant les manières d’être autochtones aux pratiques coloniales ne peut se résorber que par la pacification ? », il faut se tourner vers les productions culturelles et les luttes contemporaines qui continuent à contester le néant colonisateur.
Femme qui fume. Extrait du jounral Akwesasne Notes, avec une citation de Buffy Sainte-Marie.
À l’image des afros des Black Panthers, la contre-culture autochtone a amené une revalorisation des styles vestimentaires et des coiffures issues des traditions autochtones. À travers les années 1970 et 1980, Akwesasne Notes fut sans doute la plus grande et la plus influente publication des Autochtones d’Amérique du Nord.


Rebuilding the Iroquois Confederacy. Brochure de Karionaktajeh (Louis Hall), 1982.
Le retour à la langue et aux traditions passe notamment, surtout en ce qui concerne la Confédération des Six Nations iroquoises (Haudenosaunee), par la remise sur pied de leurs propres institutions de gouvernance dans l’objectif d’accroître leur autonomie à l’égard des États coloniaux.
Deganawida, the Greatest American. Peinture de Louis Karionaktajeh Hall.
En plus du Unity Flag, le célèbre drapeau de la Mohawk Warrior Society, Louis Hall, de Kahnawake, a produit une riche œuvre picturale et écrite, qui met de l’avant la fierté autochtone. Ici, le fondateur mythique de la Confédération iroquoise est appelé « le plus grand Américain ».


Arrestation d’un militant. Extrait du film Les événements de Restigouche, Alanis Obomsawin, 1984.
En 1981, une opération policière massive essaie de mettre fin à l’opposition des Mi’kmaqs de Restigouche à la résiliation de leur droit ancestral à la pêche du saumon, pourtant beaucoup moins intensive que la pêche commerciale en haute mer.
Red School House. Extrait du livre Three Fires. Voices From the Red School House.
En 1972, pour échapper aux sévices subis par les Autochtones dans les écoles régulières et pour mettre de l’avant les langues en passe de disparaître, l’American Indian Movement ouvre la Red School House à Minneapolis. Cela suscite un mouvement sur tout le continent, et une Survival School ouvre bientôt à Kahnawake.


SENTIER DE GUERRE
Québec
Si le Canada et le Québec apparaissent comme des terres pacifiées, c’est bien parce que les conflits violents y sont occultés depuis longtemps. La tentative révolutionnaire de 1837-1838 n’apparaît plus que comme un lointain souvenir. Sa réactivation comme moment de résistance dans les années 1960 s’est opérée en occultant le terrible débat qui tiraillait le Canada français d’antan : l’opposition entre républicanisme et ultramontanisme. Le triomphe de ce dernier avec la doctrine de la survivance n’aura pourtant pas empêché les francophones de s’identifier avec la figure de Louis Riel lors des événements conjoints de la création du Canada et du soulèvement Métis. Mais c’était alors la langue parlée, plutôt que l’origine autochtone, qui fut l’enjeu d’une telle identification, car l’indépendantisme francophone ne sut alors pas dénoncer la guerre silencieuse d’extermination coloniale en cours contre les peuples autochtones.
Pourtant, l’idée d’un conflit anticolonial violent apparaît chez les francophones avec leur opposition à la conscription, qui provoquera des émeutes à Montréal en 1917 et à Québec en 1944. Réintroduit de manière tordue dans l’historiographie nationaliste comme la preuve du pacifisme inhérent aux Canadiens français, cette opposition marquait un point de rupture dans le pacte clérico-colonial. Il faut se rappeler que l’opposition à la Première Guerre mondiale était internationale et que si elle se referma ici avec un anticommunisme effrayant, le FLQ sut réactiver l’événement dans l’imaginaire collectif via un discours anticolonial assumé.
Ce n’est cependant qu’avec la décennie 1960 que le discours nationaliste se met vraiment sur un pied de guerre, avec l’armement de ses factions les plus radicales. Alors que le mouvement ouvrier déclenchait des grèves parfois très dures, les bombes éclatent à Montréal contre ce qui est décrit comme une occupation étrangère. Un imaginaire construit à partir de l’Algérie et du Vietnam est transposé en sol Québécois et pousse à la construction d’une machine de guerre révolutionnaire tiraillée entre identitarisme et marxisme anticolonial. Si les indépendantistes trouvent dans le FLN et dans l’IRA des démonstrations de leurs thèses, l’organisation parallèle des factions indépendantistes autochtones attirent peu leur regard.
La Crise d’octobre et l’occupation militaire du Québec – que René Lévesque décrit comme une utilisation judicieuses de forces armées autrement coûteuses d’inactivité – ébranle le mouvement nationaliste, qui se recompose dans les années 1970 soit dans les syndicats, soit dans le Parti québécois, alors que les marxistes abandonnent le thème de l’indépendance. En fait, le nationalisme québécois deviendra de moins à moins marqué à gauche, avec des épisodes réactionnaires comme les émeutes suprématistes blanches de Châteauguay en 1990. Au moment même où une autre souveraineté se levait et bloquait les infrastructures coloniales, l’identitarisme canadien français refaisait surface sous la forme honteuse d’une haine raciale stimulée par la volonté de pouvoir se rendre au centre-ville de Montréal en moins de 20 minutes.
La propagande du FLQ. Extrait du journal La Victoire, 1970.
La Victoire n’est qu’un des bulletins de liaison du FLQ, avec L’Avant-garde et La Cognée. Ce bulletin incluait en 1966 jusqu’à trois éditions, dont une édition syndicale et une étudiante, qui exprimaient les positions des diverses tendances des cellules felquistes.


Crise d’octobre. Photo, 1970.
Le 16 octobre 1970, le premier ministre du Canada Pierre Elliott Trudeau proclame la Loi des mesures de guerre au beau milieu de la nuit. Le lendemain matin, 12 500 soldats de l’armée sillonnent le Québec, dont 7 500 dans les rues de Montréal, et procèdent à près de 500 arrestations sans nécessité d’amener des chefs d’accusation.
Crise de la conscription. Affiche de l’armée canadienne, 1917.
Suite à l’imposition de la conscription par le gouvernement fédéral en 1917 et son application en 1918, un vaste mouvement de protestation se met en place au Québec où des émeutes éclatent dans les grands centres. L’émeute de Québec, où l’armée a tiré sur la foule rassemblée, s’est déroulée du 29 mars au 1er avril.


Émeute de Châteauguay. Photo, 1990.
Le 8 août 1990, une émeute éclate entre citoyens blancs et policiers de la SQ pour dénoncer le blocage du pont Mercier par les warriors de Kahnawake en soutien à Kanesatake. Il s’agit de la première d’une série d’émeutes suprématistes blanches, qui mènera notamment, le 29 août, à une horrible séance de lapidation – sous les encouragements de Gilles Proulx – des voitures de Mohawks qui tentaient de quitter Kahnawake.
Autochtones
D’un certain point de vue, l’histoire d’avant 1814 en Amérique du Nord peut se résumer aux tentatives successives des gouvernements coloniaux de capter les ressources et d’utiliser les peuples autochtones dans les guerres coloniales. Avec la défaite de la France et la pacification des relations entre les États-Unis et l’Angleterre, les anciens alliés ne sont plus nécessaires et peuvent dès lors être désarmés et enfermés dans des réserves. Le soulèvement Métis, dont l’armement provenait en partie de l’État fédéral lui-même afin de l’aider à lutter contre d’autres communautés autochtones, est sans doute le plus connu de ces affrontements. Mais il ne doit pas masquer tous les autres conflits ayant eu cours à l’ouest de l’Ontario, lors de l’intégration des terres (alors légalement possédées par la Hudson Bay Company) de ce qui allait devenir le Canada.
Mais, fondant toujours leurs rapports avec l’État colonial sur un jeu d’alliances, les Autochtones poursuivront leurs contributions aux guerres des colonisateurs – pensant parfois y obtenir une plus grande reconnaissance. Ainsi, plus d’un tiers des hommes autochtones « canadiens » – proportion largement supérieure à celle des Blancs – s’enrôleront pour la Première Guerre mondiale, où ils seront notamment utiles dans les communications codées, tout simplement en parlant leur propre langue, proscrite chez eux.
De même, plusieurs Mohawks iront au Vietnam dans les années 1960 et leur formation militaire fera craindre le pire aux autorités lors des soulèvements subséquents.
Ce qui marque dans ces soulèvements anticoloniaux est certainement l’usage massif des moyens militaires : dans la crise d’Oka, par exemple, mais aussi lors de la confrontation de 1995 à Gustafsen Lake, l’opération militaire la plus imposante et coûteuse de l’histoire récente en territoire canadien.
Depuis, les autorités restent sur leurs gardes sur les questions autochtones, sachant que le moindre conflit peut se généraliser à toute une communauté – solidaire pour faire respecter les traités –, voire soulever quantité de communautés autochtones supplémentaires. Et le cas échéant, sachant les infrastructures cruciales qui traversent ces terres, le soi-disant Canada pourrait bien ne plus se relever.
Crise d’Oka, pinède de Kanesatake, 1990.
Après la mort du caporal Lemay, dans les suites de la tentative ratée de la SQ pour dégager la barricade élevée pour protester contre la construction d’un terrain de golf sur un cimetière ancestral à Kanesatake, l’armée canadienne interviendra de manière musclée.


Gustafsen Lake. Photo, 1995.
En août 1995, la nation Ts’peten en soi-disant Colombie-Britannique, occupe le site de Gustafsen Lake afin d’y conduire leur cérémonie de la Danse du Soleil. La réaction des forces armées canadiennes sera largement disproportionnée, avec plus de 77 000 munitions tirées, en plus des véhicules blindés et des explosifs.
Thomas Longboat. Photo, 1914.
Après avoir remporté le marathon de Boston en 1907, Thomas Longboat, membre de la nation iroquoise Onondaga, s’enrôlera dans le 107e bataillon de l’armée canadienne où il assurera le rôle d’estafette. Il en sortira indemne, malgré les 24 blessures par balles qu’il se prendra au front.


Défilé de la Victoire. Photo, 1918.
Le 19 novembre 1918, les Mohawks de Kahnawake sont à l’honneur dans le défilé de la victoire alliée, mettant fin à la Première Guerre mondiale.
Crise d’Oka. Photo, 1990.
Les warriors qui ont fait face à la SQ et à l’armée pendant la crise d’Oka arboraient fièrement le Unity Flag dessiné dans les années 1970 par l’artiste Louis Karionaktajeh Hall. Leur usage de masques inspirera, à des milliers de kilomètres de là, les zapatistes du Chiapas, qui se soulèvent en 1994.


Louis Riel. Tract partisan, 1885.
L’insurrection des Métis du Nord-Ouest, lors de l’établissement de la confédération canadienne, a provoqué une forte vague de solidarité au Québec, dont ils partageaient la langue française.
Exposition organisée par

Gros, gros travail. Super intéressant! Merci!!